Icônes sans visage.Une mise en image de la transcendence
Anca Manolescu
 
Texte traduit par Laurenţiu Zoicaş

Ce que Théodore le Studite utilisait comme analogie pour éclaircir et décrire une question théologique ? l'archétype est aux icônes qui le figurent ce qu'est l'image impériale aux multiples gravures qui la reproduisent ? sera ? mis en sc?ne ?, représenté de façon performative dans certaines légendes sur les icônes akheiropo?etos. La vera icona (le voile de Véronique), que l'on met quelquefois en relation avec le suaire de Turin, et le mandylion du roi Abgar d'Édesse sont, tous les deux, offerts directement par le Christ qui, pendant sa vie terrestre, a accepté de s'essuyer le visage ou de l'imprimer sur ces supports textiles. La légende du roi Abgar contient un épisode remarquable par son raffinement doctrinaire: le peintre envoyé par le roi d'Édesse pour faire le portrait de Jésus n'arrive pas ? le ?saisir?, ? en cerner les véritables traits (kharâkteras). Pour exaucer le v?u d'Abgar, Jésus fait lui‑m?me le geste de le ?graver?. Il op?re lui‑m?me le passage de Son visage ? visible, mais qui, en tant qu'expression visible du divin, n'est pas circonscriptible par ses seules facultés humaines ? ? un visage ?représenté?, fixé sur un support matériel. La distinction entre visage, empreinte, archétype, d?une part, et copie, de l?autre, est ici fortement notifiée, de m?me que la capacité des premiers de se communiquer indéfiniment (5).

La m?me ?empreinte? du P?re ? qu'est le Christ ? a gravé son visage de mani?re indélébile dans le c?ur de l'homme lors de la Gen?se quand Dieu dit: ?Faisons l'homme ? notre image, selon notre ressemblance?. C'est ce que soutiennent les interprétations des P?res de l'Église. La problématique de l'icône serait donc contenue in nuce, voire supposée par la terminologie m?me des ?origines? chrétiennes. Terme qui est ? prendre dans plusieurs sens: de Texte sacré fondamental (l'épître paulinienne), de création de l'homme, et, surtout, d?Origine située au‑del? du monde ? la Trinité et le rapport entre les personnes divines. ? partir de ce niveau ultime, le sceau du P?re descendra au moment de l?Incarnation pour se donner une nouvelle, mystérieuse configuration dans la chair humaine.

Mais eikôn et kharakt?r serviront aussi ? formuler le trajet complémentaire, récupérateur, ascendant, au terme duquel l'homme devient un intime du divin. Le travail intérieur, l'effort contemplatif visent ? selon les maîtres chrétiens orientaux ? ? la rencontre du visage christique gravé dans le c?ur de l'homme; un visage perçu de plus en plus clairement, de plus en plus vivement, un visage toujours plus édifiant, ? mesure que l'homme progresse dans son travail sur soi. L'un des textes les plus spectaculaires ? ce propos appartient ? Philothée le Sina?te, un des p?res ?neptiques? (probablement V-eme si?cle): ?Gardons de toute notre attention ? toute heure notre c?ur des pensées qui ternissent le miroir psychique dans lequel a coutume de s?empreindre et se photographier (photeinographeístai) Jésus‑Christ ? (Chapitres sur la vigilance, 23)(6). L?homme saint, l'ermite et, en général, ?l'homme amélioré? sont perçus par la conscience commune des fid?les comme des icônes vivantes, comme des personnages qui ont réalisé la ressemblance au mod?le et qui peuvent la rayonner (7).

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