Sc?nes roumaines
Horia Berbea et Teodor Baconsky
 
Texte traduit par Ioan Pânzaru

[8]  Les catacombes de Sainte-Priscille, situées sur la Via Salaria, abritent des peintures paléochrétiennes (II-e-III-e si?cles) du premier ordre. Parmi elles, une fameuse représentation de la Vierge ? l?Enfant accompagnée d?Esa?e (on dit que c?est la plus ancienne image de la Vierge dans l?art des catacombes). Dignes de mention nous ont semblé ensuite la chapelle grecque et la Cripta della Velata. J?ai visité avec Horia Bernea les principales catacombes romaines: San Sebastiano, Santa Domitilla. L?expérience est extraordinaire: on descend ? l?infini dans une moiteur froide, et on se demande pourquoi les 5 ou 6 galeries de tuf superposées ne se sont pas effondrées. Malheureusement, les plus belles chapelles peintes ne sont pas accessibles au public pour des raisons de conservation (il semble que la vapeur de la respiration nuise aux fresques). Horia Bernea m?en voulait de ne pas exiger des autorités vaticanes un permis spécial. Maintenant je le regrette moi aussi, car la rencontre, ? des dizaines de m?tres sous terre, avec la lumi?re livide d?une vo?te peinte il y a 1800 ans est plus qu?un délice esthétique: on a l?impression que le commencement et la fin du monde co?ncident. J?ai observé que tous les guides formés par l?Institut pontifical d?archéologie chrétienne racontaient un peu la m?me leçon et s?efforçaient de démonter le mythe des premiers chrétiens qui s?étaient réfugiés dans les catacombes ? cause des persécutions: ce n?étaient que des cimeti?res, o? l?on disait de temps en temps quelque office fun?bre de commémoration sur les tombes des martyrs. Autrement, disent-ils, la messe se disait dans les résidences privées des patriciens convertis, qui étaient bien plus spacieuses. Révision archéologique fondée sur des sources nouvelles, ou bien discours ?progressiste?, destiné ? effacer le soupçon infamant d?une origine obscure qui serait celle des premi?res communautés.

[9]Le jeune royaume italien avait besoin de ?grands travaux? destinés ? légitimer son unité, entre les fronti?res d?un Etat fragile, mais d?autant plus orgueilleux. Ce monument, que Horia Bernea n?épargne point tout le long de notre dialogue (et qui ne me dit pas grand-chose ? moi non plus) a été souvent critiqué, se trouvant toujours au centre des polémiques: Mussolini a m?me eu l?intention de le faire démolir. La vérité, c?est qu?il p?che par mégalithisme; d?ailleurs il est d?une blancheur excessive (apportant un accent nordique incongru dans la masse de couleur de la Ville) et a pour enjeu un symbolisme fâcheusement explicite (m?me si utopique): je pense, par exemple, aux statues gigantesques figurant la Force, la Concorde, le Sacrifice et le Droit, ou aux cort?ges triomphaux dédiés au Travail et ? l?Amour de la Patrie... On l?a construit entre 1885 et 1911, au prix de gros efforts, afin d?honorer la mémoire du premier roi italien. Il abrite le tombeau du Soldat inconnu. Les curieux peuvent également y visiter un musée du mouvement du Risorgimento et un musée militaire.

[10]  Santa Prassede est une merveille absolue, surtout qu?elle est cachée dans une petite rue, ? l?ombre de la colossale Santa Maria Maggiore. C?est une église romane, normale, humaine et divine, gracile et solennelle, et ? l?intérieur l?oeil sidéré découvre les meilleures mosa?ques de l?époque carolingienne. L?édifice actuel est bâti sous le pontificat de saint Pascal Ier (pontife supr?me entre 812 et 824, lorsqu?? Byzance se consommait, si je ne me trompe, la terrible querelle des ignatiens et des photiens). Le plan de l?église est typiquement basilical, avec des éléments paléochrétiens, byzantins et romans, parfaitement harmonisés. La protectrice dont le temple invoque le vocable, sainte Prax?de, aristocrate romaine, est celle qui, aux côtés de sainte Pudentienne, a payé de sa vie la piété d?avoir enterré convenablement les chrétiens martyrisés pendant les persécutions. Les chefs-d?oeuvre de la mosa?que se trouvent dans l?arc triomphal, dans les absides et dans la chapelle de saint Zénon, banalisée par les guides comme le ?Jardin du Paradis?: ce n?est d?ailleurs nullement une exagération. Si l?on a un grain de foi, on sent le besoin de s?agenouiller en pri?re. C?est l?endroit pieux le moins ?représentatif? o? je me sois jamais recueilli: je pense que ce petit silence, atteint par la grâce d?un indicible naturel, est la sensation des bienheureux qui sont véritablement passés de l?autre côté. La chapelle est un prolongement de la nef centrale: on y pén?tre sous un portail ? deux colonnettes. A l?intérieur, des figures sacrées, y compris une niche avec la Vierge, qui semble avoir été exécutée plus tard, au XIe si?cle. Il semble que Pascal Ier, de digne mémoire, ait dédié cette chapelle ? sa m?re Théodora (enterrée ? côté et représentée avec le nimbe carré des demi-saints). L?église abrite des tombeaux de martyrs et m?me un morceau de la colonne ? laquelle a été attaché le Sauveur pour ?tre flagellé.

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