En plus, on avait un ami, Lulu Constantinescu, qui, Dieu sait o?, avait déniché une ?machine? ? fabriquer des disques sur un support tr?s léger qui s'appelait decelit. A l'occasion d'une partie, il a apporté des disques enregistrés sur des radiographies des poumons ! Il les enroulait, les fourrait dans sa poche et c'est ainsi que nous p?mes écouter ?Billy Haley and His Comets?... Je me souviens du cél?bre Mircea Zotovici (devenu, depuis, directeur musical d'un important poste de radio privé) qui avait déj? une musique extraordinaire. Comme il possédait un ?Smaragd?, qui pesait une bonne dizaine de kilos, on l'invitait chaque samedi et lui s'amenait, secondé d'un type qui lui portait son magnétophone. D'o? enregistrait‑on pourtant cette musique ? Naturellement, toujours de la radio, surtout des radios étrang?res : il y avait Radio Monte-Carlo (que nous écoutions religieusement), mais aussi l'émission ?Radio Reklame?, de Belgrade, voire Radio Sofia, qui passaient de temps en temps de la musique occidentale. Plus tard, quand les magnétophones se sont multipliés, cela a déclenché le trafic de bandes enregistrées d'apr?s des disques de l'étranger, qui entraient de plus en plus en Roumanie (et qu'apportaient, le plus souvent, les sportifs qui participaient ? des compétitions internationales). Dans les années soixante ont commencé ? pénétrer les chanteurs français, aux noms américanisés : Johnny Hallyday, Eddie Mitchell, Dick Rivers. Il y avait aussi Sacha Distel et Gilbert Bécaud qui, avec Charles Aznavour, chantaient de merveilleuses chansons, tr?s en vogue dans la jeune société bucarestoise. Aux thés, on dansait du vrai rock-and-roll (de Bill Halley, Elvis Presley ? celui des débuts ?, Jerry Lee Lewis, etc.), mais, une fois qu'ils se retrouvaient exténués pas le rythme endiablé de la danse, les jeunes se reposaient en serrant dans les bras quelque jeune demoiselle, sur la musique suave de Brel, d'Edith Piaf, de Brenda Lee ou de Sinatra. Aux thés, on allait par couples ou en solo ; c'est l? qu'on se trouvait une partenaire : on visait une fille seule, on l'abordait, et, apr?s un petit brin de conversation, on lui demandait si elle vous permettait de la raccompagner chez elle, apr?s la partie. C'était une question ? double tranchant : si elle répondait ?non?, c'était simple ; mais si elle disait ?oui?, le bon côté, tu peux t'en douter, mais le mauvais côté, c'était que, si vous aviez de la malchance, elle habitait ? l'autre bout de Bucarest, o? vous deviez la raccompagner tard dans la nuit, pour ensuite rentrer ? pied, si bien que vous n'étiez chez vous qu'? l'aube. Şerban Anghelescu : A l'époque, pas question de penser ? rentrer en taxi. |