Le probl?me de la communication renvoie ? une problématique de la communion
Mihai Şora
 

Anca ManolescuApr?s avoir fait de brillantes études de philosophie, apr?s un début prestigieux chez Gallimard, vous avez choisi, d?s qu?on vous a emp?ché de quitter le pays, de devenir un marginal. C?était toutefois une marginalité active, favorable aux rencontres intellectuelles o? l?idéologie officielle n?était pas de mise.

Mihai ŞoraEn revenant de France en 1948, je me suis rendu compte d?s le début qu?il était impossible d?embrasser une carri?re intellectuelle en Roumanie sans faire de graves compromis. De sorte que j?ai tout simplement choisi de devenir un marginal. Au début j?ai été fonctionnaire au Minist?re des Affaires Etrang?res ; je travaillais dans le service de presse, mais je fus vite licencié. Ensuite, une maison d?édition pour l?étranger eut recours ? mes services ; j?y faisais un travail de rédaction. Enfin, en 1954, j?ai eu la possibilité d?assumer une charge publique qui fut celle d?éditeur aux Editions d?Etat pour la Littérature et l?Art, devenue par la suite Les Editions pour la Littérature. Ici, de 1954 ? 1969, j?ai eu la possibilité de mettre en place plusieurs projets importants avec un groupe de collaborateurs et, finalement, d?amis, que j?avais formés. Il s?agit de jeunes rédacteurs, des philologues qui venaient de terminer leurs études, que j?avais modelés selon un moule intellectuel différent par rapport ? la formation qu?ils avaient reçue dans les écoles officielles. Toutes ces personnes se sont en quelque sorte solidarisées avec moi ; nous étions parvenus ? cultiver un type de communication si intime, que nous nous entendions ? demi mot[2]. En présence des ? autres ?, des responsables du régime, la complicité fonctionnait parfaitement : le langage était accompagné d?un syst?me gestuel infiniment discret, qui nous ramenait aussitôt pieds sur terre.

Dans notre maison il y avait des réunions d?intellectuels d?s avant 1954. Comme on le sait (car je l?ai dit ? plusieurs reprises), en 1948 je suis revenu pour peu de temps dans le pays, pour revoir mes parents. Or, au moment o? mon retour en France fut interdit, la premi?re relation que je me fis fut Barbu Cîmpina, de l?Institut d?Histoire de l?Académie. Dans sa maison j?ai fait connaissance avec son cercle d?amis ; c?étaient des gens qui nourrissaient depuis longtemps des convictions marxistes. Parmi eux il y avait Paul Georgescu, communiste de l?illégalité, qui avait m?me subi un régime de mauvais traitement avant 1944. Lorsque mon épouse est rentrée elle aussi de l?étranger, en 1949, nous nous sommes installés dans un appartement dans l?immeuble o? nous habitons aujourd?hui encore ; ? partir de ce moment-l?, le quartier général du groupe s?est établi chez nous. Ceux qui y venaient étaient : Barbu Cîmpina, Paul Georgescu, professeur ? la Faculté de Philologie, le critique et l?historien littéraire Moni Crohmălniceanuet l?écrivain Petru Dumitriu.

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