Le probl?me de la communication renvoie ? une problématique de la communion
Mihai Şora
 

Les trois premiers avaient des idées marxistes claires et nettes, ils avaient assumé cet horizon ; le dernier, tr?s différent intérieurement, s?était aligné publiquement aux nouvelles exigences, avec l?espoir qu?il ne serait pas aliéné par son mimétisme. Les autres étaient par conséquent des marxistes ? mais qui nourrissaient l?espoir que le communisme allait s?humaniser dans tous les sens du terme : non seulement en ce qui concerne l?existence immédiate, la liberté sociale, mais surtout l?ouverture intellectuelle. Toutefois, ils se rendaient compte sans cesse qu?ils se faisaient avoir et qu?ils se laissaient faire. Ils assistaient ? la dissolution de leur propre rapport ? ce qui avait été ? un certain moment une adhésion intellectuelle et politique ? la fois. En ce qui me concerne, mon discours était absolument clair, sans double langage, que je ne connaissais d?ailleurs pas. Eux aussi, ils formulaient leurs pensées sans distorsions au cours de ces rencontres. Mais ils  pratiquaient déj? le double langage : ? côté du discours sinc?re, dont ils usaient pendant les réunions amicales de notre cercle, ils s?étaient forgé un langage de réserve : le langage officiel, agréé, exigé, imposé par le régime.

Il faut remarquer le fait qu?il s?agissait du début du régime communiste, avant que cette mentalité ? la double situation, la double appartenance, le double langage ? ne se f?t introduite et installée ? demeure dans les structures de l?Etat et dans la pratique générale de la société. Elle existait par conséquent d?s cette premi?re période, ? l?intérieur du parti qui n?était pas encore devenu le parti-Etat. C?était un double langage que ceux qui se réunissaient chez moi avaient appris ? utiliser et dont ils se servaient couramment. D?une part il y avait le discours d?une culture ouverte, libre, de type universel ? pratiqué toutefois dans un milieu extr?mement fermé ; d?autre part, l?adhésion publique au discours officiel, un langage qui imposait des clichés mentaux particuli?rement durs.

Dans ces rencontres, les discussions commençaient vers cinq heures de l?apr?s-midi et se terminaient presque toujours apr?s minuit. Il y avait un certain rythme, ? peu pr?s hebdomadaire, de ces rencontres qui ont duré deux ans environ. Alexandru Dragomir (un ancien coll?gue de faculté, que j?avais retrouvé ? Bucarest) et Henry Wald, philosophe avec de fortes convictions marxistes (avec celui-ci on se voyait seulement lorsqu?on se rencontrait dans l?appartement de Barbu Cîmpina), y participaient parfois. Le premier débat était toujours de nature politique, parce que tous ressentaient le besoin ? d?s qu?on se trouvait dans un milieu propice ? de se débarrasser des nouvelles accumulées au fil des jours et au cours de leur prestation professionnelle ou officielle.

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