Le probl?me de la communication renvoie ? une problématique de la communion
Mihai Şora
 

Comme l?espace de l?intimité personnelle n?était pas suffisant, et l?espace public impropre ? la sincérité, ils se vidaient le c?ur dans cet espace intermédiaire formé par nos rencontres qui, évidemment, ne se proposaient pas d?aboutir ? une action politique. Il ne s?agissait pas de s?opposer aux programmes du pouvoir en en élaborant de nouveaux, puisque personne n?aurait eu la moindre possibilité de les mettre en pratique. On passait seulement en revue les événements, on les décodait et on les interprétait dans un langage différent : celui de l?analyse lucide qui, du point de vue intellectuel, devait nous aider ? une compréhension meilleure de la réalité. Tout cela devenait possible grâce ? l?attitude réaliste et ? la liberté totale qui animaient la discussion. Et, bien s?r, grâce au niveau exceptionnel de tous les participants quant ? leur statut intellectuel et culturel. Pour ceux-ci, ces rencontres étaient probablement quelque chose de miraculeux, sans écrans entre les interlocuteurs ? ni de langage, ni de qualité intellectuelle. En ce qui me concerne, j?étais un marginal par rapport ? toutes les institutions dont ils faisaient partie, tellement et si totalement marginal que tout simplement les institutions respectives ne m?avaient pas en vue.

Chaque participant ? ces réunions venait avec des nouveautés, rapportait les dires et les intentions des idéologues du régime. Par exemple, Barbu Cîmpina nous a fourni ? un certain moment un échantillon de la mani?re dont Roller, historien de service de l?époque, se conduisait dans l?élaboration de l?histoire. Il avait un projet exactement tracé pour tel si?cle. Evidemment, l?interprétation précédait l?investigation et la conditionnait ; la tâche qu?il traçait était formulée dans les termes suivants : ? Cherchez les documents qui certifient la th?se ?. C?était tr?s clair : l?histoire était déj? élaborée, il fallait seulement l?étoffer de quelques faits convenables, l?illustrer avec un minimum de documents qui la rendît plausible et qui lui permît de circuler.

Apr?s avoir évacué l?actualité par le commentaire et l?analyse, on abordait d?innombrables th?mes de discussion, au gré de nos lectures ; il y avait un grand nombre d?ouvrages qu?ils recevaient de l?étranger, dont je pouvais jouir grâce ? eux. Bon nombre de nos considérations au sujet de ces ouvrages étaient suscitées, sans doute, par la situation contraire dans laquelle se trouvait la Roumanie. Il y avait aussi des parties de rire, d?immenses éclats de rire qui élevaient une muraille destinée ? nous défendre contre la stupidité active d?alentour. Dans l?espace public, dans leur milieu professionnel, mes interlocuteurs de l?époque n?avaient pas la possibilité de rire de tout c?ur parce que o? bien on n?aurait tout simplement pas compris ? quoi cela pouvait rimer et l?effet aurait été nul, o? bien on aurait deviné ce qui les poussait ? rire ? et alors, malheur ? eux !

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