La christianisation des Hongrois, accomplie par le roi Saint Etienne en l'an 1000, a transformé l'Etat arpadien dans un "royaume apostolique", c'est-?-dire un fer de lance du catholicisme dans les régions carpato-balkaniques. La Hongrie médiévale s'identifia ? la mission de convertir les groupes de pa?ens, soient-ils juifs ou musulmans, mais surtout la masse des "schismatiques" orthodoxes, constituée par les Roumains et par différentes populations slaves, étant donné le fait que ce programme idéologique servait tr?s bien ? ses intér?ts expansifs.[1] Cette vocation fut loin de se manifester de mani?re constante, malgré tout: plus de deux si?cles se sont écoulés jusqu'? ce que les premiers souverains chrétiens de la Hongrie arrivent ? se débarrasser compl?tement de la tradition du gouvernement qu'ils avaient hérité de la steppe, et qui encourageait comme fondement du pouvoir royal la "multitude des langues" et des croyances religieuses. C'est seulement la grande offensive déclenchée par le Pape Innocent III dans les premi?res décennies du XIIIe si?cle qui a forcé le roi André II ? se dispenser des services si profitables des allog?nes, juifs et musulmans en premier lieu, et ? intégrer la Hongrie sans aucune équivoque dans l'immense front, établi sous le patronage de la Papauté de Constantinople ? la Mer Balte. La grandeur de ce projet - qui visait, entre autres, ? convertir les nomades touraniens, et donc ? étendre le contrôle de l'Eglise romane sur steppe eurasiatique - a semblé prouver son réalisme d?s les premi?res phases de sa mise en oeuvre, lorsque plusieurs tribus coumanes de l'intérieur et de l'extérieur de la courbure des Carpates ont été christianisés. La m?me force, déchaînée dans le but de propager le catholicisme, a également frappé les "schismatiques": la chute de Constantinople sous les coups des croisés en 1204 a signifié la décapitation du monde orthodoxe. Selon le projet occidental, elle ne pouvait ?tre suivie, sous la double pression de la Hongrie apostolique et de l'"empire latin" de Bosphore que par la conversion en masse, déj? décidée, des adeptes de l'Eglise d'Orient de espace carpato-balkanique. L'homogénéisation confessionnelle de l'Europe, censée avoir lieu sous l'égide de la Papauté, n'a cependant pas été couronnée de succ?s, car elle s'est heurtée ? la contre-offensive de l'Asie: la grande invasion tartare des années 1236-1242 dans les régions orientales du continent, a non seulement brisé temporairement l'élan expansif de l'Occident, mais a également bloqué les velléités expansives de celui-ci pendant un si?cle. Sans sous-estimer les malheurs qu'ont laissés partout derri?re eux les envahisseurs mongoles, qui n'ont certainement pas traité les "schismatiques" avec plus de douceur qu'ils n'avaient traité les catholiques, il est cependant hors de doute que le nouveau rapport de forces qui s'est établi dans l'Europe centre-orientale et du sud-est avec la fondation de la Horde d'Or en 1242 a offert un cadre favorable ? la sauvegarde de l'orthodoxie aussi bien dans la Péninsule Balkanique, o? les byzantins ont récupéré leur capitale en 1261, que dans les régions situées au nord du Danube, habitées par les Roumains et les Ruth?nes. |