M. Ezdra Alhasid a 85 ans et, depuis trois décennies, il traduit la littérature espagnole et ibéro-américaine en roumain. Dans les principales maisons d'édition roumaines ont paru, dans sa traduction, des ?uvres de Martínez Estrada, J. L. Borges, Gabriel García Márquez, Alejo Carpentier, Blasco Ibá?ez, Ortega y Gasset. En 1997, il publie la traduction d'une biographie-interview du roi d'Espagne (auteur José Luis Villalonga). Mais dix ans auparavant, le 5 janvier 1987, S.M. le Roi Juan Carlos Ier l'avait décoré de l'Ordre du Mérite Civil, le grade d'officier, pour son activité de hispaniste. Et ? 76 ans, M. Ezdra Alhasid a reçu, de la part du Minist?re espagnol des Affaires Étrang?res, une bourse de recherches en Espagne, pour étudier le passé des Juifs séfarades, de sorte qu'il a pu ainsi retourner chez lui pour quelques mois? ?J'ai fait des études d'économie, non de philologie. Peut-?tre ai-je un peu de talent, mais l'espagnol je l'ai appris ? la maison, chez mes parents. Chez nous on parlait ladino, c'est-?-dire l'ancien castillan. Je suis de Silistra et l?, il n'y avait que des familles juives séfarades. Dans notre maison, on parlait ?hébreu?, qui était en fait l'espagnol; nous l'appelions djudezmo. C'est un mot intraduisible?? J'ai parlé avec M. Ezdra Alhasid des Juifs séfarades de Roumanie; il a trouvé le temps d'écrire aussi un bref historique. Il m'a surtout donné la liberté d'utiliser le matériel ? ma guise. M?me si cela semble ?tre une démarche sans méthode, je vais combiner les données historiques et celles de son expérience personnelle, en essayant d'obtenir l'image qu'un Séfarade de Roumanie a de sa propre communauté et de la vie de celle-ci dans les Balkans. Ezdra Alhasid Je suis né dans le Quadrilat?re, ? l'époque o? celui-ci appartenait ? la Roumanie; mes parents étaient originaires de Turquie, de la ville d'Edirne. J'ai vécu ? Silistra jusqu'? l'âge de 17 ans, puis je suis venu ? Bucarest, chez l'une de mes s?urs qui s'y était établie depuis longtemps. Dans le Quadrilat?re, ? part les Roumains, il y avait différentes populations : Bulgares, Serbes, Grecs et Arméniens. En fait, Silistra était une région balkanique en miniature. Tout homme qui était né et qui avait passé son enfance dans cette ville, apr?s un certain temps parlait, bon gré, mal gré, trois ou quatre langues, comme il arrive couramment dans les Balkans. Moi, je parlais assez bien le turc et le bulgare. |