Avertissement Le message qu'une ethnie adresse au monde ne peut ?tre déchiffré qu'en partie. Une démarche exhaustive est incompatible avec l'exploration de la vie. Pour concevoir l'inconcevable, les sciences de l'homme ont appris ? poser des questions et ? reconstituer, ? partir de réponses, la réalité qu'elles étudient. Le degré de conformité des questions et leur ordonnance sont décisifs pour la précision de l'image qui en résulte. Élevant la connaissance d'autrui au rang des sciences, l'ethnologie répond ? une curiosité naturelle, qui n'est ni innocente, ni dépourvue de préjugés. La grande ethnologie assume les préjugés et les théorise, la petite ethnologie essaie en vain de s'en sortir, tandis que l'ethnologie dilettante les ignore purement et simplement. Les ouvrages consacrés ? la culture aroumaine ont été, pour la plupart, compromis par des préjugés extra-scientifiques et pseudo-scientifiques qui ont détourné la recherche des probl?mes réels du domaine. Si ceux qui ont étudié la culture aroumaine s'étaient limités ? regarder et ? enregistrer ce qu'ils voyaient, l'image qui en aurait résulté aurait été beaucoup plus vraie. Mais ils l'ont observée, scrutée, du regard de quelqu'un qui cherche ? découvrir. Il s'agissait justement de découvrir des ressemblances avec la culture dacoroumaine ! Imaginons la situation d'un peintre qui, pour faire le portrait de quelqu'un, ne retiendrait des traits de son visage que ceux qui font qu'il ressemble ? son fr?re. Il faut savoir que la connaissance de l'esp?ce et la connaissance du genre font deux. C'est comme si ces auteurs ne s'étaient pas rendu compte que les ressemblances, les traits communs sont révélateurs de la façon dont le terme participe de l'unité et de la cohérence du genre auquel il appartient, mais qu'ils ne sont aucunement suffisants pour le décrire. Les recherches qui auraient pu contribuer ? l'approfondissement de la connaissance de la culture aroumaine sont celles du genre monographique. La monographie est une démarche holistique dont on a éliminé la sélection comme source d'arbitraire. Or, les auteurs mentionnés semblent avoir eu une prédilection pour la sélection, effectuée toujours au détriment des traits caractéristiques, rarement enregistrés, sinon ? titre de curiosités. Leur erreur se justifie par l'importance politique que prenait ? l'époque l'inclusion de la culture aroumaine dans l'espace culturel roumain. Une autre explication serait que les chercheurs ? dans leur grande majorité, des étrangers ? la culture aroumaine et des ethnographes de fortune ? s'étaient initiés au syst?me de pensée folklorique et ethnographique ? partir d'échantillons de culture daco-roumaine, auxquels ils avaient emprunté les questions et l'approche. C'est pourquoi une grande partie des notations dont nous disposons aujourd'hui résulte d'attestations du type : ?les Daco-Roumains connaissent l'élément X, vous, en avez‑vous connaissance ?? On a aussi fréquemment commis l'erreur de considérer le village comme une unité pertinente pour l'étude des communautés aroumaines. Nous n'avons pas la compétence pour apprécier dans quelle mesure de vieux villages de bergers comme Samarina, Avdela, Perivoli peuvent constituer un cadre de recherche adéquat. Nos informations sont trop insuffisantes pour nous permettre d'en reconstituer la composition. Ce qu'on peut formellement affirmer, c'est que les villages qui sont nés au cours de la seconde moitié du XIXe si?cle représentent des unités hétérog?nes, formées de petits ou de grands groupements d'Aroumains nomades et transhumants, provenant de zones et, parfois, de branches différentes. Les m?mes observations peuvent s'appliquer aux villages de la Dobroudja habités par des Aroumains. |