Sis sur un des doigts de la péninsule Chalcidique, Athos ? la Sainte Montagne ? est un endroit privilégié du monachisme oriental. En 963, le moine Athanase, un proche de l?empereur byzantin Nicéphore Phocas, y fonda le premier monast?re, sur un territoire déj? peuplé d?ermites. Comme son ami impérial ne parvint plus ? le joindre dans ce refuge réservé ? la pri?re, saint Athanase se retira dans une grotte sur le versant sud-ouest du Mont. Depuis plus de mille ans, le Mont rassemble des moines de toute la chrétienté orientale. La tradition de la pri?re, de la vie contemplative et liturgique s?y est conservée et a été transmise jusqu?? présent dans cette république monacale qui a traversé des périodes d?effervescence, de stagnation, de décadence, de renouvellement. Horia Bernea (1938-2000) y était pendant le Car?me de l?an 2000. Nous publions ici une partie de ses remarques, de ses impressions et de ses images prises sur le terrain. Anca Manolescu : Vous connaissiez l?endroit ? partir de toutes sortes de relations qui lui donnent le prestige, presque légendaire, de ? pôle ? du monachisme orthodoxe. Vous l?aviez aperçu antérieurement lors d?un voyage sur mer, le long de ses côtes. Qu?est-ce qui vous a frappé spécialement maintenant, pendant ce séjour ? Athos ? Horia Bernea : J?avais vu évidemment des images de monast?res, d?autres types de bâtiments, des icônes et des visages d?Athos. Mais finalement c?est l?espace qui m?a étonné le plus, l?emplacement sur le terrain. On a l?impression d?un endroit vraiment sauvage, abandonné, un endroit profondément désert, détaché du monde. On apprend dans les livres la superficie, le nombre de monast?res, d?ermitages, de cellules ? Athos et on s?attend ? voir une population monacale assez nombreuse dans la presqu?île. Il n?en est rien. Chaque bâtiment est placé dans le désert. Il n?y a pas de chemins pavés et c?est depuis tr?s peu qu?on en a construit quelques-uns pour les voitures de terrain. L?acc?s sur mer est limité ? un bateau par jour qui permet l?acc?s ? quelques monast?res sur la côte nord-ouest seulement. Il est par conséquent difficile d?y pénétrer et d?en sortir, et cela non seulement pour des raisons administratives. Les jours de temp?te, le bateau n?arrive plus. Le paysage est tr?s varié : sur le rivage, il y a une végétation méditerranéenne, perpétuellement verte et l?aspect accueillant de l?Egée ; la partie méridionale rappelle l?aridité du Pélopon?se, et m?me le désert sina?te ? certains endroits : une terre rocheuse, sur laquelle ne poussent que des ronces solitaires. Ensuite, il y a des endroits couverts de bois comme ? la montagne : ? l?ermitage roumain de Lacou on est un peu comme ? Predeal (il paraît que parfois les moines ont choisi leur monast?re par affinité avec le paysage du pays d?origine). Il y a encore la cime sév?re et enneigée du Mont. Il y a des plages sablonneuses et des gouffres effrayants, comme aux alentours de la grotte de saint Athanase. On a surtout la sensation poignante qu?on est sur une île : non seulement ? cause de la mer, qui y est partout et qu?on aperçoit souvent sans s?y attendre, mais aussi ? cause de l?isolement, de la nature sauvage, de l?absence de liaison entre les différents monast?res autrement qu?? pied, sur des mulets et maintenant en voiture de terrain. Les monast?res gigantesques d?Athos ont été élevés avec des matériaux charriés sur le dos. La présence humaine y est tr?s faible : malgré les édifices parfois extr?mement imposants ? d?immenses enceintes avec une capacité de quelques milliers de places ? les monast?res s?atténuent jusqu?? la disparition dans un paysage plus vaste que je ne l?avais imaginé. Ce n?est nullement un lieu touristique : c?est un lieu de p?lerinage aventureux, o? ne peuvent pénétrer que 50 personnes par jour maximum. Et Athos respecte avec rigueur la loi de l?hospitalité : tous les p?lerins sont logés et nourris gratuitement. |