Les Balkans ou l?obsession décrépite
Teodor Baconsky
 

Je n'ai pas du tout la prétention de maîtriser, du point de vue documentaire et analytique, la problématique des Roumains vivant dans les Balkans. Il y existe certainement des linguistes, des byzantinistes, des sociologues, des géographes, des politologues et des journalistes qui ont dépouillé les archives, ont publié les sources, ont mené des recherches sur le terrain afin de formuler leurs propres hypoth?ses génétiques sur ce th?me plutôt complexe. C'est donc ? eux que va s'adresser le lecteur exigeant rigueur académique, information fiable ou bibliographies abondantes. Je consid?re néanmoins que le sujet reste passionnant par lui-m?me et je suis convaincu que le débat sur les ?Roumains dans les Balkans? pourrait exorciser  d?anciennes  illusions , tout en stimulant l'effort de réinterpréter notre identité dans le contexte du monde postcommuniste.

Je voudrais formuler, d?emblee, une constatation presque empirique: la plupart des Roumains ne se ?reconnaissent? pas dans le miroir que leur tend la région balkanique. Certains se rendent compte que le miroir est fid?le, mais ils en refusent le reflet. D'autres consid?rent tout simplement que le miroir est déformé. Par conséquent, nous pouvons nous demander: pourquoi, nous autres Roumains, ne voulons-nous  pas faire partie des Balkans? Pourquoi désirons-nous abandonner cet espace, m?me s'il a modelé nos m?urs et malgré les chances  réduites  de nous affilier ? d'autres espaces  dont, par une sorte de bovarysme, nous aimons  nous revendiquer? Pour plusieurs raisons, parmi lesquelles je voudrais uniquement mentionner les plus importantes: parce que la chaîne balkanique s'arr?te au Sud du Danube, l? o? la roumanité, telle qu'elle est, n'a que la consistance d'une aura archa?que. Parce que c?est dans les Balkans qu?a éclaté une guerre mondiale et que le voisinage de cette mosa?que ethnico-religieuse suscite de légitimes anxiétés. Parce que la région balkanique est composée de petits États dont l'amitié n'offre pas de garanties et dont l'hostilité provoque d'inextricables complications diplomatiques. Parce que la mythologie de l'Europe centrale exerce sa séduction tant sur l'Ouest de la Roumanie que sur l'intelligentsia urbaine : évidemment, c'est plus chic d'appartenir ? l'ancienne Mitteleuropa d'origine K.u.K. que de se confondre avec la zone qui est par excellence celle des chalvars et du narguilé. Enfin, parce que l'Occident nous a inoculé son mépris ? l'égard d'une région, certes, sous-développée du point de vue économique, mais non moins évoluée, au fond, par rapport ? d'autres régions européennes épargnées par la mécanique de la diabolisation. Pour simplifier, ??tre ou ne pas ?tre balkanique? c'est une autre mani?re de choisir entre l'Orient et l'Occident, entre l'indigence et la prospérité, entre le chaos et la rationalité, entre l'économie de survie et l'acc?s ? des services sophistiqués, etc. Malheureusement, ceux qui peuvent tenir des propos (négatifs) sur les Balkans forment cette minorité intellectuelle qui - depuis 1830 jusqu'? présent ? n?arr?te pas de proclamer son appartenance européenne, alors que le reste de la société (on parle de la ?Roumanie profonde?) se console impunément au rythme des manele[i], ? travers les vapeurs de l'ibric[ii] et les saveurs du prochain ? voyage d'affaires ? en Turquie? Une fois de plus nous devons accepter le divorce entre ceux qui (croient qu'ils) connaissent  ?la bonne direction ? et ceux qui semblent se sentir tr?s bien l? o? ils se trouvent déj??

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