"Je suis un balkanique, je suis irrémédiablement perdu, je suis un balkanique Je ne termine pas ce que j'ai commencé, je suis un balkanique Je suis incapable de mener quelque chose ? bien Et je sombre glorieusement comme le Titanic. Je ne suis pas sérieux, mais ce n'est rien Puisque je suis balkanique Je suis un balkanique Le sang me bout dans les veines, je suis un balkanique Je me mets en col?re mais je me calme vite (je n'ai pas de rancune et suis m?me pacifique) Je suis menteur, politicien mais pas franchement travailleur De tempérament volcanique, je suis donc balkanique Oui, je suis balkanique, ce n'est pas rien Et j'aime la danse du ventre Comme travail, je n'ai trouvé rien de rien Puisque je suis balkanique Je suis un balkanique et je suis donc jaloux et je me fâche ? tous les coups Et ne misez jamais sur mon calme britannique J'aime le vin rouge et les femmes blondes Mais ? la condition qu'elles soient rubicondes Cela me plait de bien baiser, je suis donc balkanique Je suis un balkanique Je suis menteur, beau, jaloux et envieux Je fais du scandale, je suis cinglé, fou, et dilettante." [ii] Voil? donc ce que chante un groupe de musiciens "dans le vent" ? Bucarest! Le "balkanisme" serait-il ? la mode, en Roumanie? Les choses ne sont sans doute pas si simples. Significatif d'une certaine perception du terme aujourd'hui, il passe dans ces paroles, le souffle d'une malédiction qu'exprimait déj? Cioran ce "Balkanique occidentalisé", lorsqu', en 1957, il brossait le tableau des "mérites des Balkans": "Ce go?t de la dévastation, de la pagaille intérieure, d'un univers pareil ? un bordel en flammes, cette perspective sardonique sur les cataclysmes échus ou imminents, cette âcreté, ce farniente d'insomniaque ou d'assassin" (1960, p. 49-50). Mais on y déc?le également la dimension affective d'une revendication de type "identitaire", qui tourne en dérision les stéréotypes dévalorisants produits par le regard de "l'autre" sur "soi". Nous avons affaire ? une "balkanitude" affirmée (le terme roumain de "balcanitate"?, cf. M. Muthu, 1999, p.37), en contrepoint de sa connotation péjorative. On y est "balkanique", un peu comme le mouvement de la "Négritude" revendiquait la qualité d'?tre "n?gre"[iii]. |