La rhétorique et l?iconographie / les discours et les images de deux derniers si?cles projettent sur la sc?ne de l?histoire européenne un paysan hyperbolique, véritable somme de contrastes violents. Sauvage et raffiné, génial et illettré, héros et victime ? la fois, il cumula les phantasmes politiques et artistiques des citadins. Ceux-ci ont découvert dans le monde du village un territoire de l?altérité utopique nécessaire ? la redéfinition de la société urbaine. Les paysans sont, malgré eux, les descendants des sauvages du Nouveau Monde. Face aux attitudes extr?mes, les praticiens des sciences sociales ont produit le moyen terme d?une réalité paysanne directement observable, tout comme les voix différentes des interlocuteurs paysans. Descendant maintenant ? travers les âges et confinant cette étude ? l?histoire roumaine nous pouvons constater l?absence du paysan dans les grands discours historiques, spécialement dans les chroniques. Nous ne mettons certainement pas en doute le fait que les villageois ont pu ?tre des agents de l?histoire, surtout dans une vision aristocratique du monde, bien qu?? la suite d?une observation plus poussée ce paysan, d?habitude invisible, a pu faire son apparition. A travers les époques de normalité, de bon ordre et de respect des coutumes, les chroniques ne mentionnent ? aucuns moments l?existence d?une paysannerie. Etre mentionné est un luxe réservé aux anomalies, aux choses sortant du rang. Ce fut en l?an 7005 apr?s la Gen?se, comme l?a signalé le chroniqueur Ureche, que les Polonais, en guerre contre Etienne le Grand (Ştefan cel Mare) avaient reçu le présage d?une défaite imminente. Un soldat se noya dans un ruisseau, le bétail qui portrait les munitions fut dissipé par une temp?te, un paysan sombra dans la folie et cria ? l?armée qu?elle courait ? sa mort. Ce témoignage d?un paysan atteint de démence prophétique, criant hors de soi au lieu de parler, tout en adressant une menace terrible aux cavaliers polonais serait sans importance s?il était isolé dans le corpus de anciens chroniques. Mais nous sommes ici en présence d?un renfort spectaculaire d? ? un paysan qui a fait entrer son nom dans l?histoire et m?me plus, car le souvenir de son acte allait perdurer grâce ? une butte portant son nom. Il aurait donc existé une formation naturelle (cette m?me butte) équivalente ? une fondation ou ? un monument, inscription définitive dans l?espace, prise en possession du lieu. Tous ces événements se produisirent ? la suite d?une double anomalie commise par le paysan. Il s?agit alors d?un vrai monstre, devenant ? raison le héros d?un récit. Un beau dimanche, le vo?vode Stefan-Voda le Bon entendit, juste avant la messe ? une voix tonitruante d?homme demandant de mener les boeufs attelés aux champs et labourer. Tout en s?étonnant, qu?il y ait d?homme qui laboure les dimanches, le vo?evode a mandé chercher et trouver cet homme aux quatre vents et l?amener pr?s de lui. Et les archers ont trouvé ce rustre bien loin, ? quatre heures de chevauchée, sur la rive de Vaslui, labourant une butte, qui porte aujourd?hui le nom de Purcel. Car cet homme portrait ce m?me nom de Purcel?. (Ion Neculce ? Letopiseţul Ţării Moldovei) |