Radu raconte... Il faudrait, ? ce sujet, faire quelques précisions. Mais, pour commencer, permettez-moi de rappeler que ma famille a été l?objet, d?s le début du régime communiste, des ? assiduités ? de la Securitate. Mon grand-p?re, Radu Portocală, avocat et homme politique libéral, maire de Brăila dans les années 1920, député dans plusieurs législatures et ministre dans trois gouvernements Tattarascu, a été arr?té une premi?re fois en 1948 sous une accusation de ? sabotage ?. Faute de preuves, il a été relâché, pour ?tre de nouveau arr?té lors de la fameuse ? nuit des dignitaires ? (5/6 mai 1950). Conduit ? Sighet, il est mort sous la torture ? une date qui demeure incertaine. Mon p?re, Dr. Radu Portocală, a été arr?té ? son tour, le 14 avril 1952, dans le cadre du groupe des ? fils d?anciens dignitaires ?. Il a été détenu pendant deux ans, en ? régime sév?re ?, dans les camps de travaux forcés du Canal Danube-Mer Noir et d?Oneşti. Apr?s sa libération et jusqu?? son départ en exil, en 1976, il a subi des persécutions de toutes sortes et notamment des entraves dans le déroulement de sa carri?re de chercheur scientifique. En ce qui me concerne, j?ai eu droit ? une premi?re filature ? l?âge de 17 ans. D?autres ont suivi, sans que je sache ? quoi était due cette attention excessive des ? organes ?. En 1972, par exemple, j?ai été suivi pendant cinq semaines, jour et nuit, par deux équipages, comportant chacun quatre personnes. Le 4 avril 1977, la Securitate a ouvert une enqu?te ? mon encontre. Deux officiers ? le major Ioniţă et le lieutenant Voicu (mais qui peut savoir quels étaient leurs vrais noms !) ? sont venus me chercher sur mon lieu de travail et m?ont convoqué ? une ? discussion ?. C?était l?euphémisme habituel. Durant des heures, au si?ge de la Securitate, la possibilité d?une condamnation pour ? crime de haute trahison ? a été évoquée avec insistance. ? l?époque, la pratique de ? l?interrogatoire ambulatoire ? était devenue assez courante. Cela voulait dire qu?apr?s une journée de ? discussions amicales ? le prévenu avait le droit de rentrer chez lui ? pour ? s?éclaircir les idées ? ?, mais il était obligé de revenir le lendemain. Parce que sinon? Évidemment, je ne suis pas retourné le jour suivant, mais, par une chance extraordinaire, j?ai pu entrer en contact avec un cousin de ma m?re, ambassadeur grec qui occupait une fonction tr?s importante dans le cadre du Minist?re grec des Affaires étrang?res. Il a réussi ? déclencher une action politique et diplomatique tr?s dure qui aurait abouti au blocage des relations diplomatiques entre la Gr?ce et la Roumanie au cas o? les autorités de Bucarest ne consentaient ? mon départ et, bien entendu, également au départ de ma famille proche. Cette intervention étrang?re a eu le don de tempérer le z?le de la Securitate (qui a, quand m?me, continué pendant deux mois les écoutes téléphoniques et une filature visible ? technique de pression psychologique tr?s efficace.) Apr?s trois mois de négociations au plus haut niveau (le président de la Gr?ce a envoyé un message ? Ceauşescu lui demandant de nous laisser partir), j?ai été appelé au service des passeports (rue Nicolae Iorga), o? un personnage qui agissait sous le nom de Ungureanu m?a remis mon passeport et m?a dit : ? La Roumanie n?expulse personne, mais votre avion est demain. ? Comme j?avais un visa grec permanent, j?ai pu partir dans les délais impartis. Donc, je n?ai pas été en prison, mais je pourrais dire que, sans l?avoir voulu, je me suis trouvé plusieurs fois juste devant sa porte. J?ai vécu en Gr?ce de 1977 ? 1982, lorsque je me suis installé en France. En 1985, je me suis lancé dans le journalisme, ce qui m?a remis dans l?attention de la Securitate. J?ai eu droit ? des menaces téléphoniques et par écrit, mon appartement a été ? visité ? en mon absence et on m?a laissé des signes visibles de ces visites, et, au début de 1989, j?ai eu droit ? quelques semaines de filature. Traduit par Petre Popovăţ et Thomas Hott |