En quelques décennies (la seconde moitié du XIXe si?cle), la société roumaine passait, d'une mani?re trop abrupte ? soutiennent certains ?, miraculeusement ? rétorquent certains autres, de la ?barbarie orientale? (Maiorescu, 1967, p. 147) ? l'organisation d'un État moderne. Cette rupture s'accompagnait presque partout dans l'Europe centrale et orientale d'une élaboration, théorique et pratique, de la continuité. Les valeurs du village (arts, littérature orale, mani?re de vivre) sont considérées par les intellectuels de l'époque et par les architectes de la nouvelle Roumanie comme un dépôt des traditions, des aspects spécifiques, de l'identité m?me de la nation. Les citadins commencent ? ?tre eux aussi intéressés par cette culture, voire ? idéaliser la vie ? la campagne, grâce aux penchants idylliques d'un Alecsandri, d'un Grigorescu ou d'un Coşbuc. L'admiration des citadins pour l'univers du village entraîne la création de sociétés culturelles, d'ateliers et d'écoles des métiers spécialisés dans la production d'objets propres ? l?intérieur paysan. Le nombre des collectionneurs de costumes nationaux ou régionaux, de pi?ces d'intérieur propres aux villages s'accroît sans cesse: ?de plus en plus nombreuses [sont] les dames de la haute société qui proposent leurs mod?les de broderie et de tapis ?nationaux? afin d'éduquer les jeunes filles de la campagne? (I. Popescu, 1995, p. 401). C'est dire que les mod?les d'?art national? partaient de la campagne vers les villes, o? ils étaient plus ou moins ?adaptés? (en tout état de cause, sélectionnés), apr?s quoi on les faisait revenir sur les lieux d'origine pour servir ? apprendre ? leurs créateurs comment cela se fait. La sauvegarde de l'authenticité de l'art paysan était un argument de taille en faveur de la création d'un musée censé l'abriter et le protéger contre les interventions de certaines personnes bienveillantes ? souhait mais ne possédant quand m?me pas les compétences requises. Quelques collections d'objets d?art populaire ont vite fait de devenir des petits musées privés (tels celui de D. A. Pappasoglu, créé en 1864). Certains objets de ces collections sont sélectionnés pour ?tre présentés dans les expositions internationales auxquelles notre pays était invité. La premi?re participation de la Valachie et de la Moldavie ? une telle exposition a eu lieu ? Londres (1er mai 1851), o? les deux Principautés exposent sous pavillon? ottoman (Păduraru, Dumitrescu (1984 b, p. 75). En 1862, les Principautés (désormais réunies) sont invitées ? une nouvelle exposition, toujours ? Londres, mais elles refusent d'y participer pour des raisons politiques, afin d'éviter une nouvelle humiliation (Ibid, p. 78). Les objets qui avaient été sélectionnés pour parer ? toute éventualité (objets textiles ? 33%) ont été offerts au Musée National des Antiquités, qui s'est vu enrichir, entre autres, d'une ?natte ? fleurage? (de Cocargeaua), d'un ?tapis de haute laine? (de Ulm, préfecture de Dâmbovitza), d'une ?serviette (peşchir), ?touloupe blanche, lacets, carré en soie gr?ge, jupe de laine, blouses en soie gr?ge?, etc. (1). Le m?me musée reçoit le 23 février 1871 de trois serviettes décoratives données par une certaine Sofia Mavrodin, comme on l'apprend d'un document des Archives Nationales (2). |