L'objet ancien a un statut ? part. Du moment o? il est sorti du syst?me o? il a été créé ? il avait un propriétaire, une utilité et une place bien déterminée ?, il devient autre chose. Ce n'est pas qu'il meure, mais il devient plus ou moins inadéquat, en proie ? ce que l'on pourrait nommer la mort clinique de l'objet en train de devenir vieux. ? ce moment-l?, plusieurs trajectoires sont possibles. Soit il meurt pour de bon, d'une mort douce, parce qu'il se fond dans le passé originaire, avec le monde qui l'a créé, il disparaît tout b?tement. Soit il est ressuscité ? une nouvelle vie par quelqu'un qui, en l'héritant, l'assume. Soit, portant noblement le blason de l'ancienneté et, parfois, l'aura de l'unicité, il devient la propriété d'un collectionneur. Il s'agit bien de cette esp?ce étrange d'individus qui, pour des raisons diverses, que l'on ne saurait discuter ici, passent une partie de leur vie ? courir amoureusement apr?s des objets en voie de disparition, pour les rassembler, arranger, classifier, manipuler. Théoriquement, tout objet peut ?tre absorbé dans une collection. Pratiquement, les collections, tributaires aux crit?res (subjectifs) de ceux qui les proposent, associent des objets qui entrent en consonance, qui se reconnaissent les uns les autres, comme appartenant au m?me univers. De plus, ce n'est pas que l'ancienneté qui conf?re aux objets de collection du prestige et de l'intér?t, mais aussi le fait qu'ils sont susceptibles de provoquer un frisson esthétique, qu'ils font souvent figure de rareté ou peuvent illustrer (virtuellement) de la mani?re la plus pertinente une réalité révolue ou en voie de disparition. Les objets faisant partie d'une collection ont un destin privilégié. Au moins dans l'intention de ceux qui les ont choisis, ils sont sauvés pour plusieurs générations, ayant la chance de transmettre ? une postérité éloignée de leur temps originaire le souffle et le message culturel de leur monde révolu. Du moment o? le collectionneur admet de se séparer de l'objet de sa passion ? la collection ?, pour permettre aux objets d'accomplir cette vocation, ils entrent dans un patrimoine, o? ils sont traités comme des reliques. Mais les objets qui entrent dans un tel patrimoine ne proviennent pas toujours de collectionneurs. Ils sont souvent donnés par des gens qui les reçoivent en héritage et ne savent qu'en faire, soit parce qu'ils ne sont pas sensibles ? leur ancienneté et ne peuvent les intégrer ? leur vie personnelle, soit parce que, au contraire, conscients de la valeur intrins?que de cette ancienneté, ils se consid?rent incapables de leur assurer une existence ? la mesure de leur valeur. Collectionneurs, donateurs, collections exemplaires, voil? les sujets de cet entretien avec Mme Georgeta Roşu, chef de la direction Muséographie du Musée du Paysan Roumain. L'objet immédiat de notre discussion est la collection Zahacinschi, une des collections les plus riches et complexes données au Musée. |