Le travail de musée est toujours présenté comme la succession logique de deux activités : L?acquisition et l?étude des objets d?une part, la diffusion par l?exposition du savoir ainsi constitué d?autre part. Cette définition qui trouve sa légitimité fondatrice dans le projet des Encyclopédistes de classer le monde pour le comprendre n?est en réalité pas tout ? fait exacte du point de vue historique. En réalité, l?exposition a précédé l?étude des objets et s?est moins préoccupée, ? l?origine, de la transmission des savoirs que d?enjeux idéologiques. En effet, tout au long du XIXe si?cle, les expositions et les musées ont accompagné la naissance et le développement des états-nations et ont servi ? les justifier ou ? les glorifier. Bon nombre de musées d?ethnologie en Europe doivent leur création ? l?immense succ?s populaire des expositions universelles de Paris en 1867 et 1878. Les exposition universelles ont toujours eu pour fonction de mettre en évidence les prouesses technologiques et le degré de civilisation des nations. En 1867 et 1878, beaucoup de pays avaient exposé des objets et réalisé des reconstitutions pour valoriser leurs cultures ou celles de leurs colonies. D?une exposition universelle ? l?autre, les états, et en particulier ceux du nord de l?Europe, rivalis?rent d?ingéniosité muséographique (sc?nes d?intérieurs, autochtones se livrant ? diverses activités artisanales ou folkloriques) pour attirer la curiosité des visiteurs. Le succ?s de ces présentations incita les pouvoirs publics ? créer ou développer les premiers grands musées d?ethnographie[i]. Ces créations ne concernent pas seulement les musées qui traitent des cultures nationales mais aussi des civilisations extra-européennes car ils manifestent la puissance coloniale et ? civilisatrice ? des nations européennes. Aujourd?hui, les immenses investissements que villes et pays consentent pour réaliser des musées (qui sont plus souvent des musées d?art que d?ethnologie, ce qui est un autre probl?me) supposent que les pouvoirs publics leurs pr?tent une valeur de communication qui dépasse assez sensiblement les seules préoccupations scientifiques. De ce point de vue, le musée dispose d?un statut tr?s particulier, comparativement aux autres institutions patrimoniales que sont les archives et les biblioth?ques. Si ces derniers transmettent des savoirs, le musée transmet aussi (et surtout) des valeurs comme l?a déj? remarqué le sociologue Gérard Namer[ii]. Le musée est donc une institution culturelle avant d??tre une institution scientifique. |