L?Objet -univers
Şerban Anghelescu
 

            A regarder de plus pr?s les objets qui composent ,,l?inventaire funéraire?? du berger de la Mioriţa, on constatera qu?ils tiennent, pour la plupart, ? la surface visible, et non pas au domaine souterrain. La lance, le clairon, le bâton, la fl?te, le buccin etc. flanquent le mort comme autant d?objets puissants, ,,sacrés?? en vertu de leur capacité de servir dans ce bas  monde et dans l?au-del?. La lance luisera au soleil, disent les chants, la fl?te jouera dans le vent, comme dans une simulacre de vie posthume ; libérés du corps humain qui les manipulait, les objets perdurent en quelque sorte, continuent ? fonctionner déterminés par les forces supérieures, changent partiellement de maître mais ne cessent de protéger le premier possesseur, de lui servir d?intermédiaires, de porter témoignage. La société du berger défunt se compose des instruments de sa profession, des animaux de la bergerie auxquels s?ajoutent les montagnes, les arbres, les étoiles, les oiseaux. Il n?y a que les hommes qui en sont absents. Mais les animaux domestiques et les objets restent comme autant de signes de l?humanité, et les textes de la Mioriţa les obligeront ? dépasser leur condition, ? abandonner, provisoirement, leur propre nature pour remplacer les humains .

            Dans les textes lyriques paysans, ceux qui sont morts sans bénéficier d?assistance rituelle sont sauvés par le soleil et la lune, par la pluie et les sapins etc . Sans rien perdre de leur majesté et de leur éclat, les éléments naturels adoptent, dans ces circonstances, le rôle d?objets rituels minuscules, terrestres : cierge, linceul, etc. L?effet sémantique en est une élévation du défunt qui, en l?absence des instruments et des agents du rite, se trouve dans un état désespéré, sous-humain, mais qui, par le jeu poétique, bénéficie d?une assistance surhumaine, devient un axe du monde, autour et au service duquel gravitent les étoiles, le soleil et la lune.

            Objets de l?au-del?

            Chose prévisible dans n?importe quel syst?me culturel, la tradition imagine également la situation inverse, o?  les luminaires célestes déchoient de leur rang jusqu?? celui d?objets que l?on retrouve dans une maison paysanne. Le Saxon Hanz, fid?le serviteur d?un baron allemand,  transpose dans l?autre monde, paradisiaque, ses propres gestes quotidiens :

            ,, Par exemple, quand tu t?y attendras les moins et que tu voudras te reposer un petit peu, Dieu viendra te dire : ? Hanz, allez prendre une lune et accrochez-la au firmament, pour qu"elle éclaire les hommes ?, et alors tu devras te lever et obéir. Ou bien, il aura envie de te dire : ? Hanz, allez prendre ces étoiles-l? et astiquez-les pour qu"elles luisent plus fort ?, et alors, si fatigué que tu sois, tu ne pourra pas refuser . Il peut te dire : ? Hanz, prenez le crible et arrosez d"une petite pluie les hommes ?, ou bien : ? Prenez la pelle et répandez un peu de neige sur terre ? ; peut-on ne pas obéir ? tous ces ordres ? Voyez-vous, Hanz, qui connaissait le ? Notre P?re ?, qui dit ? sur la terre ? l"image du ciel ? , se sera dit, dans sa t?te, que ce serait pareil que d?inverser les paroles et de dire : ? au ciel ? l"image de la terre ?, et comme, lui, tout ce qu?il savait faire sur terre, ç?avait été de passer au crible l?orge des chevaux, balayer la cour, porter chaque soir la lanterne ? l?écurie et astiquer les pi?ces de cuivre des harnais, il croyait qu?il allait faire la m?me chose au paradis?? (P.Ispirescu, 1988, p. 163).

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