L?Objet -univers
Şerban Anghelescu
 

            Le sens du mouvement est, cette fois-ci, descendant. Dans la relation terrestre (humain) ?céleste, il existe une ascension héroique, initiatique, un contqc avec le soleil et la lune qui transf?rent leur éclat et leur majesté sur l?homme, et, d?autre part, une déchéance comique des astres, de la pluie, de la neige, jusqu?? leur conférer le statut d?objets ménagers . Evidemment, le paradis n?introduit pas une rupture avec la vie terrestre, il n?est pas das ganz Andere, mais prolonge les rythmes et les gestes banals de l?existence profane .

            Les cimeti?res paysans, disent les ethnologues, représentent simultanément le jardin d?Eden et la topographie terrestre du village, avec ses ruelles et ses voisinages. Dans les chants fun?bres de Gorj, le défunt retrouve au Paradis ,,notre faubourg?? peuplé de jeunes et de vieillards, des groupes de jeunes filles et de femmes, des parents.

            Les objets offerts pour la commémoration du mort doivent subvenir ? ses besoins dans l?autre monde, lui restituer ses v?tements, sa vaisselle etc. Le but de ces dons fun?bres (roum. pomeni) est donc de transférer les objets terrestres indispensables dans le monde des morts. L?objet offert en tant que don fun?bre par une personne vivante ? une autre personne vivante est transporté, on ne sait comment, dans le logis invisible du mort . Le statut des pomeni semble ambigu. Il s?agit d?objets consacrés, destinés ? l?au-del?, mais utilisés dans le monde des vivants comme des objets profanes, manipulés sans précautions spéciales.

            Les charmes et les incantations paysans utilisent non seulement des matériaux extravagantes , mais aussi des objets ménagers abandonnés, retrouvés et volés, pqr exemple des clous, des fuseaux, des cuillers, des couteaux, le balai, le four, le vieux pot, etc. (S.Fl . Mqriqn, 1996, pp. 75-78). L?objet abandonné ? on peut le supposer ? n?aura eu aucune qualité spéciale pendant son utilisation normale. Son abandon le place dans la zone symbolique de la mort. L?objet est voué ? la dégradation et ? l?oubli. La sorci?re le retrouve et lui attribue une nouvelle fonction, donc une nouvelle vie . L?objet rappellé ? la vie subit une transformation analogue ? l?initiation. Pendant la pre,i?re période de son existence, il était entier, utile, ,,vivant??. Pendant la deuxi?me étape, il est fragmentaire, inutile, ,,mort??. Enfin, dans un troisi?me temps, il renaît dans une existence magique.

            Nous venons d?examiner, en partie, la condition des objets paysans traditionnels dans leur seule dimension textuelle. Autrement dit, nous nous sommes intéressés uniquement aux objets présents dans un texte, qui ont une existence verbale. Nous n?avons pas pris en compte les objets silencieux participant ? la gestualité stricte, ou immobiles, non accompagnés de paroles. D?autre part, il n?existe aucun objet qui reste extérieur au discours verbal, cérémoniel ou profane, et on peut se demander si un objet dont il n?est jamais question, un objet sur lequel on garde un silence absolu peut avoir une signification. Les objets de la vie paysanne, peu nombreux par rapport aux objets de la vie urbaine, sont, certes, spécialisés ; cependant, en des circonstances comme celles énumérées ci-dessus, ils deviennent des objets totaux, des objets-univers,  bons pour la vie et pour la mort, pour la maladie et pour la guérison magique. Beaucoup d?entre eux ont été fabriqués en faisant souffrir la mati?re ? surtout végétale . Le parcours initiatique de la mati?re qui deviendra objet sacralise l?objet fini, lui donnant un pouvoir protecteur sur l?artisan qui a provoqué la souffrance, sur celui qui fabrique et utilise l?objet . La chemise est sacralisée par la souffrance du lin et du chanvre, le pain ? par les tourments du blé, la mămăliga ? par la douleur du ma?s. Les objets terrestres les plus insignifiants ont d? subir des écrasements, des cuisons, des putréfactions, des noyades, des percements, ils en sont arrivés, par leur souffrances, ? la transfiguration et ? la gloire. Et, m?me entrés dans l?ombre, ils attendent d??tre sauvés pour, ? leur tour, sauver leur sauveur.

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