Icônes sans visage.Une mise en image de la transcendence
Anca Manolescu
 
Texte traduit par Laurenţiu Zoicaş

Un défi personnel

Il y a quelques années, je me suis retrouvée devant une icône plutôt singuli?re. Les circonstances ne l'étaient pas moins: je venais de recevoir une carte postale du Mont Athos. C?était la reproduction d?une icône de la Vierge, du type Hodigitria; la somptueuse monture témoignait de la profonde vénération qu?on lui vouait. L?objet était néanmoins paradoxal. Bizarre, construit sur un puissant contraste, il ne manqua pas de contrarier mes petites certitudes livresques ? l?égard de la théologie de l?icône, de l?accord total entre la doctrine ? formulée et ciselée ? travers des crises, de longs si?cles de tradition ? et les pratiques attachées ? l?image sacrée, mais surtout celles concernant la vigilance que manifestent les milieux monastiques lorsqu?il s?agit de respecter cet accord.

Le massif rev?tement métallique de l?icône, précieux comme mati?re et extr?mement prolixe comme dessin, était par ailleurs d?une facture plutôt banale, typique des XVIIIe-XIXe si?cles. Cependant, l?argent doré des entailles ? orné d?émeraudes, de rubis et d?émaux, surchargé d?auréoles, couronnes, mitres, sc?nes bibliques, anges, personnages saints, inscriptions, plis, volutes, ornements et ex‑voto (médaillons, couronnes, petites croix, chaînettes, colliers) ? encadrait deux vides, deux figures sans visage. ? la place des visages de la Vierge et de l?Enfant, dans le vide ménagé par le trop‑plein de la monture, on ne voyait plus que le panneau de bois: gris, usé, rainuré, rongé par le temps. Entre le centre nu ? d?o? les traits semblaient s??tre résorbés ? et l?agressive profusion de la monture qui le rehaussait, le contraste était tellement fort qu?il se transformait en métaphore visuelle. La dévotion et la gratitude des fid?les, matérialisées dans l?ornementation pléthorique de l?entaille, rendaient hommage ? une présence qui ne semblait avoir laissé qu?une trace évanescente sur le champ de l?icône. N?emp?che que l?image était, visiblement, ?en fonction?, continuant ? ?tre jugée opérationnelle: ? preuve le fait qu?on la multipliait et qu?on l?offrait en souvenir pieux (voire image sainte) de la Sainte Montagne; ? preuve, aussi, le support qu?on peut voir en bas de la carte postale, recouvert d?un tissu non moins riche, sur lequel l?icône est offerte ? la vénération. C?était l?, sans nul doute, non pas quelque vénérable pi?ce du patrimoine d?un musée ecclésial, mais une icône active, placée dans un espace liturgique, vers laquelle affluaient la foule des p?lerins et leur espoir.

 1  2  3  4  5  6  >>
 
 
 

 
Martor nr 1/1996
Martor nr 2/1997
Martor nr 3/1998
Martor nr 4/1999
Martor nr 5/2000
Martor nr 6/2001
Martor nr 7/2002
Martor nr 8-9/2003-2004
Martor nr 10/2005
Martor nr 11/2006
Martor nr 12/2007
 

© 2003 Aspera Pro Edu Foundation. Toate drepturile rezervate. Termeni de confidentialitate. Conditii de utilizare