Sc?nes roumaines
Horia Berbea et Teodor Baconsky
 
Texte traduit par Ioan Pânzaru

Un peintre, Horia Bernea, pour qui la vue, le regard sont les moyens essentiels de perception, de jugement, de connaissance, et un anthropologue, Teodor Baconsky parcourent ensemble Rome la sacrée.  A travers un emerveillement partagé, ? travers un dialogue ardu, ils découvrent des filiations insoupçonnées reliant des moments de culture spirituelle dont nous sommes habitués ? clamer les différences et m?me les oppositions; ils s?interrogent sur les fractures et les métamorphoses de l?art chrétien, sur son courage ? se renouveller ou ? se perdre, sur le rapport entre le sacré et le profane, tel qu?il fut conçu ? differentes époques.  Mais ils saisissent surtout la liberté intégratrice dont la Ville est l?embl?me et la preuve éclatante.

Ce dialogue itinérant une fois achevé, chacun continue sa propre réflexion: Teodor Baconsky  en proposant un cadre théorique pour leur démarche - ?La promenade en tant qu?outil de l?anthropologie?-, texte qui préc?de ici le voyage-interrogation ? travers Rome, et Horia Bernea en développant ?Le probl?me de la matérialité?, probl?me qui est, ? la fin de ce voyage, comme une sorte de th?me que Rome lui a fait découvrir et lui a légué...

Les photographies de Horia Bernea et les notes de Teodor Baconsky (que nous avons choisi de maintenir en parall?le avec le dialogue) nous offrent la mati?re m?me de leur parcours, filtrée par l?oeil du peintre et par le jugement d?un anthropologue du religieux engagé dans la tradition dont il parle. (A. M.)

La promenade en tant qu?outil de l?anthropologie

A notre époque des multimédia, la culture s?enrichit dans la réalité virtuelle. On a l?impression de voir les choses comme autant de  ?fen?tres? sur l?écran d?un ordinateur. Cette sensation devient encore plus prégnante ? Rome, o? les monuments du premier cercle (tels que le Panthéon ou le Colisée) semblent ?tre des hypersignes, ou bien des cartes postales. Je pense que le dialogue sur le terrain, conçu comme un jeu qui se joue pendant le déplacement, peut remédier ? cette déréalisation du champ visuel. Tous les éléments adventices - information didactique, mémoire répétitive du signal conventionnel, bref, les réflexes culturels qui obnubilent et mystifient la pureté du regard - peuvent ?tre transfigurés ? travers l?effet magnifiant d? au rapprochement total. Afin d?y croire de nouveau, afin de respecter la réalité factuelle, on a besoin de l?empirie du contact, du toucher, de percevoir les pores des matériaux, de s?y coller physiquement pour retrouver la certitude simple de la masse. On ne peut réapprendre l?amour du passé (défini comme espace de la créativité inconsciente) qu?au prix d?un renoncement temporaire ? l?arrogance du sujet connaissant. Parler ? l?autre, dans le voisinage des formes pour l?amour desquelles les anciens ont vécu et trépassé, c?est faire un exercice de r?verie intégratrice.

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