L?objet stratigraphique: La majesté de Sainte Foy de Conques
Ioan Pânzaru
 

A cette difficulté de l?hétérogénéité des mati?res représentationnelles, un fait historique apporte une solution simplificatrice. Comme depuis la fondation des anciens empires d?Orient la représentation tourne autour de la question du sacré, ce sera le sacré qui fournira la mesure commune, et comme un axe unique, sur lequel s?inscrit la variation substantielle dans les objets de culte. De m?me que dans un fétiche africain les fragments se fluidifient sous l?irradiation de l?idée de force, les mati?res dans un objet méditerranéen se laissent lire dans leur rapport ? la divinité. Qui plus est, l?existence de substances sacrées en elles-m?mes permettra d?organiser l?intelligibilité de l?objet d?une mani?re encore plus ordonnée et plus claire.

Une substance sacrée est une mati?re riche en ?tre. Tandis que l?huile lubrifie et le bon vin réjouit, la substance sacrée cumule toutes les fonctions en une donation générale d??tre - de vivacité, de vitalité, de satiété, de santé, de chance, de sécurité - qui a lieu par le contact. Tout comme l?aimant clarifie l?espace en l?organisant en fonction de la proximité de ses lignes de force, l?objet sacré le structure comme le ferait, par métaphore, un aimant monopolaire: il lui conf?re un ordre radiaire, sphérique. Un ostensoir, par exemple, qui est un récipient permettant ? travers une fen?tre de verre d?exposer l?hostie consacrée, prend la forme d?un soleil d?o? se répandent des rayons[i]. Mais comme le sacré se transmet par contact, il essaime ? l?aide de tous les objets qui l?ont jamais touché, et qui rayonnent ? leur tour comme de petits soleils[ii]. Quoique l?hostie consacrée soit théologiquement, sans aucun doute, le meilleur exemple de substance sacrée, dans l?ordre de l?histoire elle doit céder le pas aux reliques, qui ont fait l?objet d?un culte plus ancien et plus fervent.

Si l?on veut étudier l?organisation de l?objet sous l?influence de la substance sacrée, le cas des ex-voto anatomiques est particuli?rement intéressant: une parcelle du corps d?un saint est enfermée dans un vase ayant la forme de la partie du corps vivant dont provient le reste. Ainsi, la côte de saint Pierre est présentée ? Namur dans une monstrance qui est un demi-cercle de métal sur un support. Le crâne de sainte Essence, ? Brives, est enfermé dans une t?te en argent présentant les traits supposés de la sainte. A Saint-Gildas de Rhuys, dans le Morbihan, il existe la relique d?un fémur, appartenant ? un saint inconnu, enfermée dans une cuisse en bois, recouverte d?argent doré, avec un fenestrage ? jour qui permet de contempler l?os. A Conques, un os du bras de saint Georges, év?que de Lod?ve, est conservé dans une main de métal, bénissante[iii]. Le crâne de saint Etienne de Muret, dans un portrait en argent, peut ?tre touché grâce ? l?existence d?un petit couvercle qui co?ncide avec la tonsure. Mais sans doute le comble du kitsch dans ce domaine est atteint par le reliquaire de l?ombilic du Christ conservé au musée de Cluny, o? la Vierge tient dans ses bras une enfant ? l?abdomen transparent, exhibant une mati?re blanchâtre.

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