L?objet stratigraphique: La majesté de Sainte Foy de Conques
Ioan Pânzaru
 

L?objet de culte qui consiste en une reconstitution de la partie du corps défigurée par la mort correspond ? une pratique tr?s ancienne et sans doute ? un désir inconscient qui subsiste dans nous tous. Dans le néolithique inférieur de Palestine, de Jordanie, de Turquie, on rencontre souvent, d?s le VIIe millénaire, des crânes surmodelés, c?est-?-dire recouverts d?une couche d?argile destinée ? recréer l?aspect du visage vivant[iv]. La m?me pratique existe aujourd?hui encore ? Vanuatu (Nouvelles-Hébrides), o? les crânes des défunts, recouverts d?argile, de toiles d?araignée et de fibres, sont conservés dans la case m?me du successeur afin de le protéger (Kal Muller, 1972, p. 68)[v].

Ce qui est particulier au Moyen Age, d?un point de vue strictement technique, c?est que presque toutes les parties du corps défunt peuvent faire l?objet d?un ?surmodelage?, en fait d?une réfection en métal, avant d??tre offertes au culte. Cette réfection propose une représentation partielle, en ce sens que seules les chairs (par exemple, du visage) sont rendues en substance représentationnelle, tandis que la vérité du corps authentique, quoique diminuée, demeure enfouie dans la profondeur du simulacre. Celle-ci se figure elle-m?me, et sous le signe de la vérité, elle identifie sacré et authenticité. Ce qui ? l?extérieur se donne pour représentation, ? l?intérieur se proclame refus radical de toute représentation. Il existe ainsi une polarité imaginale, entre la chose en soi et sa figure, qui n?est pas, par métaphore, dépourvue d?une tension toute théologique. Car en fait nous avons dans ces reliquaires des figurations du régime de la transcendance: enfoui dans une accessibilité toujours refusée, figuré en vue du culte dans la région extérieure du visible, ? travers toute sorte de portes, couvercles, monstrances et fénestrages le transcendant se donne ? voir dans une adumbratio confuse. A la splendeur de l?hostie enclose dans la lunule de l?ostensoir et offerte ? la lumi?re bien que défiant toute intelligibilité, s?oppose l?obscurité o? de vieux ossements enfumés se laissent entrevoir ? claire-voie, dans les représentations didactiques de leurs membres tronqués. Ne dirait-on pas deux théologies, l?une simple (et défiant toute raison), l?autre composée, analogique, et procédant par énumération de parties? Le reliquaire anatomique est un oxymoron de la représentation, car il réunit deux sens opposés du verbe ?montrer?, ? savoir indiquer la chose elle-m?me par ostension, et indiquer une figuration interposée en tant que renvoi ? la chose[vi].

Mais encore plus intéressant, ce me semble, est le cas des majestés, qui sont des statues renfermant des reliques.

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