On appelait majestés, au XIe si?cle, des images faites typiquement en bois recouvert de plaques de métal travaillées au repoussé. Elles servaient parfois de reliquaires aux vestiges du saint dont elles donnaient ? voir la figure supposée. Le terme de majesté renvoie tr?s probablement au fait que le personnage (le Christ, la Vierge, le saint) est représenté assis sur un trône - ce qui est un privil?ge représentationnel des agents d?autorité. Cette importance du fait d??tre figuré sur un si?ge remonte ? l?antiquité, et elle s?accroît ? la fin de l?empire. Au Musée National du Danemark il existe une coupe romaine d?argent sur laquelle on voit un homme glabre, nu jusqu?? la ceinture, assis sur une chaise tr?s simple sans dossier, et tendant la main pour le baiser d?un autre, qui, agenouillé, exhibe dans sa tenue tous les attributs du Barbare: bonnet de fourrure sur la t?te, barbe broussailleuse et braies. Malgré ses renvois possibles ? l?Iliade, la sc?ne semble modelée d?apr?s la soumission d?un chef germain. D?autre part, le terme de majesté renvoie ? la terminologie de la seconde venue du Christ, qui se montrera alors dans sa gloire (en majesté - maiestas Domini) et jugera les péchés des humains. Or, le Fils dans sa mandorle est presque toujours figuré assis, ce qui est une attitude inséparable de la qualité de juge. La Vierge ? l?enfant est elle aussi sur un si?ge, d?s les plus anciens types iconographiques, ce qui explique pourquoi le terme de majesté, provenant du vocabulaire apocalyptique, s?étend aux autres figurations assises. D?ailleurs il existe dans le Liber Pontificalis une référence explicite ? une Madone sur un trône, qui aurait été fabriquée en or pour le pape Etienne II dans les années 750. Plus ancienne encore est la mention des images de Jésus et de Marie faites pour le roi Ine du Wessex vers 725, mais dans ce cas la position des personnages ne nous est pas connue (cf. Ilene Forsyth, 1972, p. 70). Au sens restreint, le terme de majesté dans le langage populaire de l?époque s?applique ? des statues reliquaires, dont les derniers spécimens ainsi désignés se trouvent aujourd?hui en Auvergne. Il n?en reste en fait que quatre: la majesté de sainte Foy ? Conques, qui est la plus ancienne, datant de la fin du IXe si?cle, et trois autres du XIIe: celles de saint Chaffre ? Le Monastier (Haute-Loire), celle de saint Baudime ? Saint-Nectaire (Puy-de-Dôme), celle de saint Césaire ? Maurs (Cantal) ? cf. E. Taralon, 1965, pl. 79, 80, 136[vii]. Mais les trois derni?res, qui sont bien des reliquaires figuratifs, représentent en fait leurs personnages en buste, en non pas en position assise. De sorte que des analogues plus exacts de la majesté de sainte Foy doivent ?tre cherchés dans les statues de la Vierge ? l?enfant dans le Midi et en Catalogne, dans le Conflent et en Cerdagne notamment. Aux Galeries Nationales de Prague on peut voir une statue de sainte Bénigne, du début du XIVe si?cle, dont le torse est transpercé de part en part: la cavité servait ? abriter des reliques[viii]. |