Cependant sainte Foy est unique ? plusieurs titres. En tant que statue de saint sur un trône d?abord, ce qui est rare et n?a pas de justification théologique. Elle ressemble ainsi aux majestés de la Vierge, mais celles-ci ne renferment, quand elles le font, que des reliques quelconques, alors que celle de sainte Foy abrite le crâne de son héro?ne éponyme, comme les reliquaires anatomiques. Elle est certainement la plus ancienne statue (en ronde-bosse) de saint de la chrétienté qui se soit conservée. Enfin, elle est un objet stratigraphique, en ce sens que dans sa constitution on distingue plusieurs interventions successives, qui chacune visent ? modifier le plan originel et gardent leur valeur figurative distincte. Les historiens de l?art sont habitués ? étudier les repeints et les repentirs, sauf que ceux-ci sont cachés pour l?oeil nu et se dévoilent aux rayons X ou en lumi?re oblique. Cependant, dans l?objet stratigraphique, les différentes couches s?exhibent dans leur singularité, ne contribuant ? l?unité du tout que sous réserve d?une adéquation toute locale. Alors que dans l?oeuvre d?art telle que la théorise l?esthétique moderne (en s?inspirant de Plotin ? cf. Ioan Pânzaru, 1988, pp. 68-72), la partie est absolument soumise ? une intégralité souveraine et harmonique, o? elle n?est littéralement rien de plus qu?une lettre dans un roman ou qu?une note dans une symphonie, dans l?objet stratigraphique, la partie s?exhibe témérairement et, s?re de la valeur de sa contribution et forte de sa légitimité, réclame une attention toute pour elle. La majesté de sainte Foy doit dater, dans son noyau primitif, des années 870. A cette époque-l?, le couvent de Conques, fondé probablement au début du si?cle par Louis le Pieux, et ayant préparé de longue date l?enl?vement des restes de Foy dans la cathédrale d?Agen, cueillait les fruits de sa patience. Les moines montr?rent d?abord aux foules la relique dans une châsse rectangulaire. Ensuite, ils firent tailler une image en bois d?if et, pratiquant une ouverture dans le dos de celle-ci, y dépos?rent le chef de la sainte, précieusement enveloppé dans une soie byzantine. L?anonyme qui a choisi ? cet effet une racine d?if multiséculaire, la modelant ? coups grossiers et timides, est l?artiste fondateur de l?oeuvre. Quant au plan, il était déj? tracé dans la Bible, chez Esa?e et Jérémie, l? o? les proph?tes décrivent la fabrication des idoles pa?ennes: Esa?e 44,13: L?artisan sur bois tend le cordeau, trace l?oeuvre ? la craie, l?exécute au ciseau, oui, la trace au compas, lui donne la tournure d?un homme, la splendeur d?un ?tre humain... |