En 1992, le Musée a acquis six églises en bois des Apuseni, qui - bien que sur la liste des Monuments Historiques - avaient été pratiquement abandonnées par les communautés locales, et se trouvaient dans un état avancé de délabrement. Le Musée se propose un geste plus complexe que la simple conservation de ces pi?ces de patrimoine. Quatre de ces églises (celles de Juliţa, Troaş, Groşii Noi, et Lunca Moţilor) ont été laissées in situ et sont en cours de restauration. A présent, on voit que de toute évidence il y a quelqu?un qui s?en intéresse et les a pris en charge; elles sont ainsi ?proposées? encore une fois ? leurs villageois; le musée s?efforce de réveiller leur intér?t pour des valeurs qui leur appartiennent. Deux autres églises ont été transportées ? Bucarest et font l?objet d?opérations minutieuses de conservation. L?une, celle de Bejani, est exposée sur la pelouse dans le jardin du Musée et a été reconsacrée; elle cumule, en quelque sorte, les statuts d?objet de musée et d?espace ecclésial. Enfin, l?église de Mintia a été placée dans l?une des salles du musée, ? l?état presque o? elle se trouvait dans son emplacement d?origine. Ce qui en reste du moins, ce qui a résisté au temps et ? l?incurie: une puissante ossature dépouillée de toute enveloppe ou parure; le squelette essentiel, la structure d?un sanctuaire. La salle qui l?abrite a pour nom ?Reliques?. Anca Manolescu Le musée a repris ces églises en bois et a choisi de les exposer de trois mani?res délibérément différentes: ce sont en quelque sorte trois étapes sur le chemin entre leur endroit d?origine et le monde proprement dit du musée. C?est, il me semble, un acte réfléchi d?interprétation: une valeur centrale pour la tradition paysanne - l?église, en tant qu??objet? concret, tel qu?il a été façonné dans le monde du village jusqu?au début de notre si?cle - devient objet d?investigation muséologique. Cet objet est placé dans des situations nouvelles, qui proposent diverses possibilités de rencontre entre le monde de la tradition et le monde moderne de la culture. C?est en m?me temps un acte réfléchi d?interprétation de l?espace ecclésial lui-m?me, dont on recherche les significations dans sa propre matérialité, ? travers plusieurs des ?objets? particuliers qui le réalisent. La démarche dans son ensemble et chacun des trois modes d?exposition seraient, selon moi, une tentative de lecture multiple de la symbolique du sanctuaire. L?intellectuel, l?artiste, l?homme de musée se propose dans ce cas de montrer certaines fonctions du sanctuaire, certains ordonnancements spatiaux, quelques-unes de ses métamorphoses culturelles et historiques, certaines continuités cachées. Il entre effectivement en dialogue avec le monde traditionnel, il en fait plus que de le reproduire dans le musée ? travers deux ou trois spécimens. D?ailleurs, il y a toute une section du musée qui renvoie ? cette problématique. La salle ?Faste? contient une suggestion du vestige actif, des traces stratifiées dans l?espace ecclésial du monde méditerranéen; depuis la culture paléochrétienne ? celle paysanne, le m?me ?faste? archa?que perdure et se retrouve ? l?oeuvre: celui de la simplicité maximale. La salle ?Recueillement? propose la centralité et l?axialité de l?espace ecclésial: une verticale, figurée par un pilier de maison paysanne, est entourée de stalles et d?accessoires liturgiques. ?Reliques? est structure de cet espace, dans le dépouillement. Enfin, la salle ?Fen?tres? réf?re ? l?expérience religieuse, ? la complémentarité entre la posture du paysan et celle du moine. |