Un objet total. Eglises en bois du Musée du Paysan Roumain
Horia Bernea
 
Entretien avec Anca Manolescu; Texte traduit par Ioan Pânzaru

A.M.            L?église semble ?tre une nacelle fragile alignée ? une rangée de mâts, de verticales massives.

Horia Bernea            On m?a demandé une fois si cet ?objet? ecclésial, transporté dans l?espace du musée, ne serait pas, de ce fait, falsifié. Or, m?me cette objection peut ?tre rejetée. La translation des églises était au contraire une coutume dans les contrées d?o? provient celle-ci; elle-m?me a été apportée d?un village des Apuseni et modifiée partiellement; son arrivée au musée est le second voyage de son existence. On pourrait dire par conséquent que c?est dans la nature de cet objet de voyager, de se métamorphoser[1].

A.M.            Au fond, c?est ce que vous essayez sans cesse de faire dans le musée: exalter la logique cachée des choses.

Petit manifeste de la restauration

Horia Bernea            La salle ?Reliques? est, en quelque sorte, un petit manifeste du Musée du Paysan concernant notre façon de voir la restauration des objets. C?est une position qui est loin d??tre acceptée dans le monde des musées. Il existe, pour ce qui est de la restauration, une attitude autoritaire, plus ancienne, qui a l?ambition de recomposer l?objet, d?obtenir un objet fini, ?amélioré? par rapport ? l?objet d?origine. Si l?on pense seulement ? Lecomte du Noüy, él?ve de Viollet-le-Duc, qui a pratiquement recréé la cathédrale de Curtea de Argeş, on peut se rendre compte ? quels désastres cette attitude peut mener. Elle s?est continuée (ou bien est ressuscitée) chez nous jusque dans les années 50, peut-?tre aussi sous l?influence de certaines écoles d?inspiration allemande et russe. Je me rappelle qu?? Augsbourg, me dirigeant ? grands pas vers la cathédrale que j?avais hâte de visiter, je n?ai pas pu la découvrir. J?ai tourné autour d?une église toute neuve, en cherchant l?édifice médiéval. Enfin, j?ai demandé; on m?a répondu: ?mais la voil?!? Une cathédrale du XIIIe si?cle qui avait l?air d?avoir été terminée hier. C?est tr?s grave. Je pense, ensuite, ? la technique de reconstitution, en Russie, au début du si?cle, qui nettoyait aggressivement, repeignait et ?renouvelait? les icônes, tout en prétendant montrer ainsi leur véritable visage. Chez nous aussi, bien des icônes ont été détruites de la sorte. Il ne s?agissait pas d?une reconstitution de la surface; c?était tout simplement un objet neuf, un autre objet.

Nous aimerions nous situer ? l?extr?me opposé: intervention minimale, attention accordée au fragment et ? l?aspect fragmentaire (conservation, muséification, mais aussi exaltation de leur sens). Si l?église de Mintia était entrée en restauration au début du si?cle, les restaurateurs auraient sans doute redressé les parties tordues, en se disant qu?il ne fallait pas laisser voir le maître paysan dans toute son ignorance et sa maladresse. Le paysan, la tradition avec laquelle il travaillait, il fallait les amender; voil? ce qui trahit une incompréhension profonde de ce monde. Quelqu?un disait que restaurer une icône par une intervention brutale, en la repeignant, c?est la m?me chose que la br?ler; l?objet initial est perdu. On abîme l?icône, on la jette ? l?eau, on la fait disparaître. Je plaiderais par conséquent pour la restauration minimale, respectueuse, non-interventionniste. Pourvu que la chose tienne debout, ne la complétez pas, en essayant de la rendre plus actuelle.

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