Et, de m?me que dans ma peinture un th?me se configure ? travers une série d?approximations, le long de modulations tr?s variées, au musée je sens aussi qu?on a besoin de se reconfigurer sans cesse, de se réaccorder sans cesse. A l?heure qu?il est, tout au plus trente pour cent des salles devraient rester dans leur forme actuelle. Je pense que les salles ?Faste?, ?Reliques?, ?Recueillement? peuvent ?tre considérées comme ?définitives?, car ayant trouvé leur solution. La salle ?Icônes? a un th?me bien défini; c?est une sorte de débat sur la théologie de l?icône; mais la solution muséographique pourrait ?tre autre que celle qu?elle a reçue en ce moment. Il est vrai que notre patrimoine, pour ce qui est des icônes, est un peu trop pauvre typologiquement (rien que des icônes paysannes, ou presque) pour permettre un débat plus ample. La salle ?Triomphe? me semble essentielle; m?me si nous en remplacions les objets en totalité, m?me si nous la repensions, nous devrions la refaire dans le m?me esprit. La salle qui suivra - ?Métiers? - sera du m?me type que ?Reliques?; son enjeu sera une monstration, une ?épiphanie? de l?objet traditionnel. Celui-ci sera montré de mani?re ? surprendre, ? ?tre perçu d?une tout autre mani?re que lorsqu?on peut le percevoir normalement in situ. La mani?re d?exposer une blouse paysanne dans un musée n?est pas quelque chose d?essentiellement différent, visuellement, de la façon dont on la garde dans un bahut. Au contraire, il y a une distance considérable entre voir un moulin sur la colline, et le voir, d?une façon tout ? fait inattendue, installé dans une salle, o? il n?y a de présent que le squelette, l?écorché du moulin. On pourra saisir tout d?un coup un aspect surprenant de la civilisation traditionnelle, qu?en général nous tenons pour précaire, fragile. Nous verrons qu?elle poss?de aussi une force, une présence extraordinaire, une monumentalité dont nous n?étions pas conscients. Et j?ai choisi un spécimen qui n?est pas du tout extraordinaire. Que suggérera cette salle? D?une façon tout ? fait différente de celle avec l?église de Mintia, elle suggérera l?organicité monumentale de l?objet. A.M. Il s?agit donc, cette fois encore, d?un dévoilement de la structure, d?un appauvrissement apparent de l?objet qui en renforce l?expressivité. Vous disiez tout ? l?heure que la pauvreté peut ?tre transformée en technique de musée; qu?elle devient m?me un stimulant, parce qu?elle vous invite ? trouver des moyens d?exposition plus ingénieux. Horia Bernea C?est vrai. Mais prendre trop longtemps la pauvreté pour stimulant peut devenir nuisible. Il ne faut pas que nous nous fassions quasiment un titre de gloire de la façon dont nous nous sommes débrouillés presque sans ressources. Jusqu?? un certain point, la pauvreté peut ?tre en effet une provocation féconde. Choisir des variantes d?exposition pauvres (mobilier, éclairage...) - pourvu qu?on soit en situation de choisir - vous aide ? créer, ? proposer une sorte de faste de la simplicité, tirer une allure monumentale ? partir de choses tr?s modestes, qualitativement faiblardes, qui ne tiennent pas le coup: c?est une sorte de mise en valeur de la pauvreté, la séduction de l?improvisation, la force de la caducité. Mais il existe une limite, au-del? de laquelle cette technique peut devenir nuisible, stylistiquement nuisible. (Or, le style, c?est la vie!) Si d?un bout ? l?autre de l?exposition, la m?me technique est toujours ? l?oeuvre, on rate quelque chose d?essentiel: on rate le rapport. L?improvisation ne parvient pas ? se rapporter ? quelque chose de totalement différent, qui lui conf?re son expressivité, ? un élément tr?s bien exécuté, par exemple, blondasse, tout blanc et technique. En l?absence de ce contrepoids, toute la richesse de l?improvisation perd son sens: par redondance et par l?anéantissement de l?idée de rapport, qui est au fond la clé de toute perception saine des choses. De sorte que nous devrions avoir une vitrine en or, impeccablement coulée par quelque grand joaillier, ? côté des formes rough, grossi?res et expressives par leur plasticité. |