A.M.            J?ai vu une photo de l?église de Groşii Noi, tr?s expressive par rapport ? ce que vous disiez au sujet des vertus du fragment et de celles du rapport. L?intérieur est en cours de restauration; la peinture a été enlevée des murs et de la vo?te pour ?tre reconditionnée; tout est mis ? nu, le bois est blanc, c?est comme une coque soulignant la ?forme? de l?espace ecclésial. Un seul élément est resté: l?iconostase, tr?s vivante, peinte avec une innocence charmante. Bien que ce ne soit pas une situation canonique, l?état actuel rend évident, frappant m?me, le caract?re qu?a la nef d??tre un espace ?orienté? vers l?autel, un espace ?qualifié? par la réverbération de l?autel. Tout comme dans la salle ?Reliques?, l?ossature de l?église de Mintia rév?le le caract?re de l?église d??tre une nef, un navire, une voie. L?objet ?écorché? peut ?tre souvent plus expressif que son état achevé, fini.

Horia Bernea            En ce sens on peut songer au Pantocrator sur la coupole de Daphné ? Ath?nes. Une restauration lamentable, brutale. Il est encadré par ces taches massives de ciment; on n?a m?me pas employé la chaux. Et pourtant, on dirait que les taches le mettent en valeur: c?est grâce ? l?isolement, au contraste que cela se produit.

Faste et pauvreté. Rythmes et rapports

Tout acte culturel - s?il est vital et valide - doit se préoccuper du monde (du probl?me?) des rapports, ainsi que du monde (du probl?me?) des rythmes. Au long de toute l?aile du musée qui inclut la salle ?Reliques?, il y a un changement incessant des points de vue, disons muséographiques. La salle ?Recueillement? est une sorte de témoignage; je dirais qu?il ne s?agit m?me pas d?une exposition: toute la masse d?objets y est ?écrasée? contre les murs, en soulignant ainsi la singularité de la verticale qui se trouve au centre. La salle ?Faste? pose un autre genre de probl?me du rapport: on y fait voir le faste traditionnel. Or, si le terme ?faste? a un sens, ce sens ne tient qu?aux rapports. Il n?y a pas d?objets précieux, de matériels précieux en soi. On peut accumuler le métal noble avec des résultats esthétiques déplorables; ? Vienne, au début du si?cle, par exemple, l?or était employé ? profusion, il n?avait presque plus aucun sens, on ne le percevait plus comme précieux. S?il y a inflation, traitement impropre du matériel, trop grande domination de l?artisanal sur l?expérience et le sentiment artistiques, le faste disparaît, et on se retrouve avec l?opulence brute.

C?est dans la salle ?Reliques? qu?apparaît peut-?tre le genre le plus évident et le plus normal de muséographie, celui qui pourtant n?est mis en oeuvre presque nulle part, sauf peut-?tre dans les musées d?histoire naturelle. A savoir, on expose tout ce que nous avons trouvé sur le terrain, mais restitué ? travers une muséification attentive: les xylogravures ? moitié pourries découvertes sous la couverture de la sainte table (le pope les y avait posées pour mettre de niveau la surface de la pierre d?autel, qui avait été prise dans un castrum romain des environs); le mobilier, ce qui s?en est conservé; quelques objets liturgiques. Nous n?avons m?me pas restauré ces objets; on les a seulement nettoyés et stabilisés.