Espaces d??orthodoxie urbaine? ? le cas de Stavropoléos
Anca Manolescu
 
Texte traduit par Victor Vlădulescu

            Au fond, le statut et les intér?ts des participants étaient hétérog?nes. A l'université: quelques étudiants en philologie, les seuls ? ?tre directement concernés par le cours, ensuite de nombreux jeunes d'autres formations (qui avaient fait des études d'histoire, de beaux-arts, de mathématique, de médecine ou techniques), sans aucune formation religieuse ? l'école ou en famille, ayant un intér?t personnel, non professionnel pour le th?me en question; enfin, quelques personnes âgées, parmi lesquelles d'anciens moines, ayant une culture religieuse qu'elles espérait approfondir et exercer dans un cercle plus grand que celui de la maison ou des amis. A l'église Silvestru, comme je l'ai déj? dit, se côtoyaient, se tolérant mais ne communiquant pas: les fid?les classiques d'une église de quartier (des vieilles femmes coiffées d'un fichu, des dames du voisinage, extr?mement actives lorsqu'il s'agissait de collecter l'argent apr?s l'office, de distribuer les coussinets, de discipliner le public selon un code qu'elles étaient seules ? connaître, des messieurs marguilliers, pieux et pénétrés de l'importance de leur rôle); des jeunes tout comme ceux qui fréquentaient les cours de Ioan Alexandru (sinon les m?mes); les intellectuels (pour la plupart des amis de Sorin Dumitrescu) et les snobs. L'offre religieux (de type urbain) étant pratiquement inexistante dans le régime communiste, un espace tel que Silvestru attirait inévitablement des gens ayant des options tr?s diverses, qui ne tenaient pas ? se m?ler les uns aux autres.

            Il n'y a eu, ? aucun moment, de projets communs, une attitude cohérente, active, qui relie les personnes présentes; il y a eu seulement divers groupes (ceux de la société la?que) qui avaient des exigences et des motifs d'admiration différents envers un personnage réussissant ? satisfaire tout le monde. A l'église Silvestru, un seul élément aurait pu avoir un rôle unificateur: l'élément liturgique. Expliqué dans les sermons du p?re Galeriu, analysé dans son symbolisme, présenté comme un élément essentiel de l'Orthodoxie, il ne constituait cependant pas un lien. Le chant était un probl?me: la prestation assez bonne de Monsieur Dorin, le chantre principal, qui avait fréquenté une école de spécialité et qui était parfois accompagné par Sorin Dumitrescu, alternait avec les lamentations incroyables du ch?ur des fid?les. Plus d'une fois, des chanteurs d'opéra, admirateurs du p?re Galeriu, ont fait don de leur talent ? l'église et ont exaspéré nos oreilles. Selon le p?re Galeriu, quiconque voulait participer de quelque façon ? la vie de l'église était le bienvenu; il fallait le louer et le stimuler. Outre la rigueur théologique, il n'imposait pas de crit?res d'exigence: tous étaient reçus avec ce qu'ils pouvaient venir. Chacun avait sa propre conception sur ce que devait ?tre l'espace ecclésial et se conduisait en conséquence. De sorte que l'atmosph?re était mitigée. La cadence de la célébration liturgique était submergée par les pulsions des piétés individuelles.

            J'ai parlé de l'agitation permanente pendant l'office, nourrie d'une dévotion m?lée avec la mondanité. Chaque nouveau venu saluait longuement ses connaissances, pour finir, solennellement, par embrasser les icônes sur l'iconostase. Lorsque le peintre arrivait, un murmure et un couloir se produisaient dans l'église. Chacun se sentait honoré de son salut, d'une parole aimable, d'une accolade. Il y avait ensuite la foule de ceux qui apportaient l'obituaire, les fleurs, les dons ? la porte de l'iconostase, sans manquer d'échanger un mot avec le p?re Galeriu ou au moins avec les autres pr?tres (une fois, lorsque j'ai fait ce geste, mon fils de trois ans a laissé tomber, par mégarde, son pistolet de métal sur les marches de marbre, ce qui a produit un bruit un peu bizarre; le p?re l'a regardé avec une bonté indulgente). A cette agitation s'ajoutait la démarche des ? dames de l'église ? visant ? discipliner les ? externes ?, les mouvements massifs des personnes pieuses vers le sanctuaire et retour, en fonction des moments de la liturgie, le fait de se lever et de s'asseoir afin d'honorer les moments importants de l'office. Au moment de l'eucharistie - tr?s sollicitée, grâce ? la persuasion du pr?tre - le calme succombait définitivement: les gens se précipitaient pour acheter des bougies, se pressaient encore ou s'invitaient mutuellement ? passer devant, les femmes étaient sommées de se couvrir la t?te et les enfants de se taire. Enfin c'était le silence, la pacification: on apportait le pupitre sur lequel le p?re Galeriu mettait la Bible, ses papiers et ses livres; il faisait son apparition et, recueilli, appuyait sa t?te sur les portes royales. C'était le moment du sermon. L'église Silvestru n'était pas tant l'espace du liturgique que l'espace du discours théologique. Et une église du discours théologique était (et est encore) une chose rare et précieuse ? Bucarest.

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