Certaines expressions du langage quotidien peuvent nous ofrir une image suggestive concernant la circonstance générale o? nous rencontrons le monde des objets: il nous est commode de dire, en nommant les objets, qu?ils sont ?les objets environnants?, le ?monde environnant? ou l??environnement?. De cette mani?re nous signifions l?espace o? le monde des objets nous apparaît et o? nous apparaissons nous-m?mes en tant qu?objet de notre propre réflexion. Ces expressions sugg?rent génériquement la forme du cercle, c?est-?-dire de la figure dont le pourtour est toujours équidistant par rapport ? un centre sans dimension. A son tour, cette équidistance est toujours intermédiaire entre les objets et nous-m?mes. Son caract?re de médiété ne tient pas, croyons-nous, ? un génie local du rapport entre l?homme et les objets du monde, mais plutôt ? une tradition philosophique facilement identifiable, et qui s?étend de Platon ? la fin du Moyen Age.

Nous pourrions évaluer le ?poids? philosophique du th?me en réfléchissant sur ce caract?re intermédiaire en lui-m?me. Et dans le cas du cercle de notre analogie, et dans celui de notre rencontre avec le monde des objets, c?est la distance intermédiaire qui semble donner toute la consistance de la rencontre. C?est ? cette distance, au fond, que nous adressons toujours la question, capitale pour toute rencontre, et relative ? l?essence de la chose: ?qu?est-ce?? Une chose peut se montrer? nous en tant que fonction, en tant que souvenir, en tant que  simple référence. Cette situation est, ? sa mani?re, paradoxale: nous interrogeons sur l?essence de la chose et, en son lieu et place, nous obtenons une réponse qui vient d?un espace intermédiaire entre nous et l?objet, espace dont nous sommes complices dans la m?me mesure que l?objet lui-m?me.

Ce schéma peut ?tre considéré rigoureux si et seulement si nous pouvons comprendre clairement ?les tenants et les aboutissants? de cet espace intermédiaire qui répond pour l?essence de la chose. Les implications de cet enjeu sont considérables: comprendre la mesure de cette distance veut dire tracer nettement les fronti?res d?un territoire déterminé du soi, et en m?me temps celles du territoire déterminé de la chose.