Balkanique toi-m?me!
Marianne Mesnil
 

 Ce projet de type fédératif, que d'aucuns ont r?vé jadis en lui donnant le nom de "Suisse de l'Orient" (Papacostea, 1996, p. 78), avait l'avantage, par rapport au mod?le d'État-nation de l'Occident, de tenir compte de cette donnée historique et culturelle des Balkans: son caract?re métisse"[xxxiv]. Mais les Grandes Puissances réunies lors des Grands Congr?s  n'ont pas donné de chance ? une telle alternative qui aurait tenu compte de la réalité historique et culturelle de cette partie de l'Europe. Pour l'Occident, l'Homo balcanicus n'existait pas. Et cette "région intermédiaire" éclatée, était ? partager entre les grandes puissances désormais garantes de la paix du monde! On reproduira, sans autre forme de proc?s, la logique d'intér?t déj? mise en ?uvre au moment du découpage des empires coloniaux, en ignorant les anciennes unités historiques et culturelles désormais fracturées par ces nouvelles fronti?res[xxxv].

Fronti?res et aires culturelles

            La nouvelle "cartographie identitaire" de l'Europe, fille des nationalismes du XIXe si?cle, ne tol?re gu?re une représentation spatiale construite sur de tout autres bases, tenant compte du métissage entre les peuples et les cultures, comme l'histoire de l'Homo balcanicus nous en fournit un bel exemple.

Pourtant, si l'on veut bien renoncer ? tracer des fronti?res étanches entre "unités nationales" soit disant homog?nes, et se référer plutôt ? un jeu de superpositions de "calques" correspondant ? la notion d'"aire culturelle", o? chaque configuration spécifique vient en chevaucher d'autres, il devient possible de rendre compte de la réalité de terrain ? laquelle correspondent les Balkans. De cette mani?re, on peut tenter de répondre ? une double nécessité: déconstruire la carte des États-nations et repenser le concept d?aire culturelle qui peut permettre d'élaborer une nouvelle "cartographie métisse". Le concept d?aire culturelle "revisité", admet, voire exige, les superpositions identitaires, les espaces de médiation, et le grand brassage des gens et des choses, sans lequel aucune culture, aucune civilisation ne peut advenir ni subsister.

La leçon des "grands anc?tres"

Et c'est peut-?tre le moment de se souvenir que le grand mythe des commencements de la pensée occidentale qu?il est convenu d?appeler miracle grec est lui-m?me le produit d?un énorme brassage de populations, d?idées, de cultures, rendu possible par cette ?attraction? exercée par la Méditerranée sur tous les peuples de ses pourtours, depuis la plus haute antiquité, et jusqu?? ce que les regards se tournent vers le Nouveau monde. Il ne faudrait pas bafouer cet héritage de l'Europe, en oubliant la grande leçon de tolérance qu?elle nous a transmis. Dans un petit livre plein de sagesse paru il y une quinzaine d?années et cependant plus actuel que jamais, J.P. Vernant (1985) nous rappelle les mots de Platon et met en garde contre le risque de refus de l?autre, contre l?exc?s d?autochthonie: ?le M?me ne se conçoit et ne peut se définir que par rapport ? l?Autre, ? la multiplicité des autres. Si le M?me reste refermé sur lui-m?me, il n?y a pas de pensée possible. Il faut ajouter: pas de civilisation non plus? (op. cit., p. 28).

            ? travers cet essai sur l?altérité en Gr?ce, comme ?expérience que les Grecs ont pu faire de l?Autre?, Vernant nous montre comment les Grecs nous invitent "? donner toute sa place, dans l?idée de civilisation, ? une attitude d?esprit qui n?a pas seulement valeur morale et politique, mais proprement intellectuelle et qui s?appelle la tolérance? (op. cit., p. 26).

 <<  7  8  9  10  11  12  13  14  15  16  >>
 
 
 

 
Martor nr 1/1996
Martor nr 2/1997
Martor nr 3/1998
Martor nr 4/1999
Martor nr 5/2000
Martor nr 6/2001
Martor nr 7/2002
Martor nr 8-9/2003-2004
Martor nr 10/2005
Martor nr 11/2006
Martor nr 12/2007
 

© 2003 Aspera Pro Edu Foundation. Toate drepturile rezervate. Termeni de confidentialitate. Conditii de utilizare