Sc?nes roumaines
Horia Berbea et Teodor Baconsky
 
Texte traduit par Ioan Pânzaru

Horia Bernea            Non, parce que je refuse son go?t scénographique. Je ne vois pas du tout les choses de cette mani?re. Je ne me suis pas mis en analyse, pour voir s?il y a en moi véritablement une attitude de type romantique... Bien des modernes ont des survivances de ce genre, c?est s?r et certain, mais chez moi, il y a un sentiment de joie presque douloureuse, que je ne peux pas suspecter de romantisme.

Teodor Baconsky Je vous rappellerais que le romantisme ne se limite pas ? la poétique de la fleur bleue, ? celle de l?infini ou ? celle de l?émotion devant la fragilité des ?tres chers. La recette est quand m?me plus complexe, car elle suppose une récupération de l?irrationnel, la réhabilitation du Moyen Age, la réinvention d?un gothique spiritualisé...

Horia Bernea            Dans ce cas, je suis romantique! Je parle en partant de mon expérience de peintre, mais en m?me temps du point de vue de l?art populaire roumain ou bien de celui de l?art romain. J?ai remarqué que tr?s souvent, la valeur de l?observation et de la chose observée augmentent lorsqu?on contemple quelque chose qui est en petite quantité. Par exemple, je ne pense pas que vous seriez impressionné par un temple romain en parfait état, autant que vous l??tes en ayant sous les yeux le vestige d?une colonne ayant appartenu ? ce temple: seul le vestige vous offre, directement ou indirectement, l?image de son extraordinaire grandeur, la révélation de sa massivité défunte. Moi-m?me, qui ai vu bien des choses et qui vis par la vue, je continue d?avoir de ces faiblesses de perception... L?homme voit réellement beaucoup mieux lorsqu?il isole son objet: un morceau d?arcade, une fragment de coiffure, un fragment de la racine du nez d?une statue qui se trouve dans le musée du Palatin, qui est extraordinairement belle précisément parce que nous n?en voyons pas davantage... Si nous voyions toute la t?te, nous passerions peut-?tre notre chemin. A peine la reconstitution imaginaire de ce nez-l? vous permet-elle de comprendre combien il était bien fait, combien naturels ces artistes étaient dans leur rôle, quelle école sérieuse ils avaient... Je suis de plus en plus enclin ? faire l?éloge du fragment, du fragmentaire!

Teodor Baconsky En d?autres termes, l?absence intensifie la perception, parce que c?est l?imagination qui s?insinue dans son vide...

Horia Bernea            Tenez, je vous propose un exemple tiré de l?art populaire... Vous avez vu notre collection d?échantillons au Musée du Paysan Roumain, composée de fragments de blouses roumaines, rassemblées par Samurcas... Ces morceaux de broderie vous semblent une merveille, mais les autres blouses ? car on expose également de nombreux spécimens entiers - sont plus difficilement observables, parce qu?on voit le tout... Dans le premier cas, on regarde le détail, on voit quelle histoire dramatique a eu lieu ? chaque point, quelles ont été les aventures de l?aiguille ? coudre: il est bien plus facile de récrire l?histoire de l?objet quand on n?en voit que deux centim?tres carrés...

Teodor Baconsky Je suis surpris par la modernité de ces aveux... plus exactement par la concordance entre ces pensées et la passion des postmodernes pour le fragment. On semble devenir brusquement non-traditionnel quand on fait de pareilles précisions, mais au fond on revient ? l?alexandrinisme du Paterikon, ? cette écriture (mentale) discontinue, o? l?essentiel est dit bri?vement, avec une grande économie de moyens...

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